Hippolyte

La mort d'Hippolyte.
La mort d'Hippolyte.

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».

Fils de Thésée et de la reine des Amazones Antiope ou Hippolyté.

Hippolyte passe à Trézène le plus clair de son enfance, en compagnie de son aïeul Pitthée et de sa grand-mère Éthra, auxquels il est confié après le remariage de son père avec Phèdre. Thésée ne veut pas, s'il a des enfants de Phèdre, d'une part qu'Hippolyte leur soit soumis, d'autre part qu'il règne à leur place.

Hippolyte est absorbé par les études, par les parties de chasse et par ses chevaux qu'il entraîne dans la Limnè, gymnase de Trézène consacré à Artémis qu'il honore grandement. Peut-être parce que sa mère est une Amazone, il se garde des femmes : « Je les hais toutes, je les déteste, je les abhorre, je les fuis. Soit raison, soit instinct, soit colère aveugle, je veux les haïr. [...] La seule chose qui me console de la perte de ma mère, c'est le droit qu'elle me donne de haïr toutes les femmes. »

De tels propos ne peuvent qu'exaspérer d'Aphrodite. Par vengeance, elle inspire à Phèdre une passion amoureuse excessive pour le jeune homme. Profitant de l'absence de Thésée, descendu aux Enfers avec Pirithoos, Phèdre avoue son amour à Hippolyte ; ce dernier repousse ses avances avec un cri d'horreur. Exhortée par sa nourrice et confidente, Phèdre décide alors de se venger. Quand son époux est revenu des Enfers, elle accuse Hippolyte d'avoir abusé d'elle. Ne doutant pas une seconde de la sincérité de sa femme, Thésée ordonne à son fils de quitter le palais. Puis il demande à Poséidon (ou à son père Égée), qui a promis d'exaucer trois de ses vœux, de faire périr Hippolyte.

Alors que le jeune homme longe sur son char les rives de la mer de Corinthe en direction de Trézène, un taureau mugissant surgit des eaux, de façon si brusque et si effrayante que les coursiers s'emballent, entraînant le char à travers la montagne. L'essieu vole en éclats et Hippolyte, ayant perdu l'équilibre mais empêtré dans les rênes, est traîné sur la rocaille : ses os se brisent, ses muscles se déchirent.

Asclépios ressuscite Hippolyte sur l'injonction d'Artémis et malgré l'opposition d'Hadès. La déesse lui donne le nom de Virbius et le place, en tant que roi, sous la protection de la nymphe Égérie, dans le bois d'Aricie ; dans ce bois, le cheval est proscrit.

Voir aussi : Diane, Virbius

Variantes diverses

I. Dans Hippolyte, d'Euripide, Phèdre se suicide par pendaison en l'absence de Thésée ; celui-ci, à son retour, découvre dans la main de sa femme des tablettes où sont inscrits des mots calomniateurs ; c'est sur la foi de ces accusations que le père voue son fils au châtiment de Poséidon. Artémis apparaît à Thésée et lui dévoile la vérité : comment Phèdre, Hippolyte et lui-même ont été les jouets de Cypris. Hippolyte mourant se réconcilie avec son père et la déesse marque son affection pour le jeune homme qui lui a toujours été fidèle.

II. Alors que Thésée s'en est allé voir Pitthée, Hippolyte reçoit la visite de Phèdre ; celle-ci lui découvre sa passion. Se voyant repoussée, Phèdre en conçoit tout à la fois un chagrin immense et un désir de vengeance. Elle déclare ensuite à Thésée que son fils a essayé de la violer. Mais Thésée, doutant de la véracité de cette accusation, demande à Hippolyte de venir se justifier d'un crime dont on l'accuse. Phèdre, craignant que la vérité n'éclate, se pend. Alors que de Trézène il se rend en char auprès de son père, Hippolyte, l'esprit troublé par ce crime qu'on lui impute, pousse un si grand cri que ses chevaux, effarouchés, s'emballent. Son char se brise. S'étant lui-même embarrassé dans les rênes, il est traîné à mort par ses chevaux.

III. Asclépios ne parvient pas à rendre la vie à Hippolyte.

La mort d'Hippolyte

le messager. À peine eut-il quitté la ville d'un pas rapide, que, pour rendre sa fuite encore plus prompte, il attela sur-le-champ ses superbes coursiers et prit en main les rênes de son char. Alors il s'entretint quelque temps avec lui-même, maudit le lieu de sa naissance, prononça plusieurs fois le nom de son père, et lâcha les rênes en excitant le pas de ses coursiers. Tout à coup la vaste mer se soulève et monte jusqu'au ciel. [...] Les lames roulent avec violence. On ne sait quelle est cette masse que la mer porte dans ses flancs, quelle terre inconnue va paraître sous le soleil. [...]

Pendant que nous contemplons ce spectacle plein d'horreur, la mer fait entendre un mugissement répété par les rochers d'alentour. Du haut de la montagne humide rejaillit une onde écumeuse ; tour à tour elle absorbe et renvoie les vagues. [...] Enfin cette trombe s'ébranle, se brise et vomit sur le rivage un monstre plus effroyable que tout ce que nous pouvions craindre. La mer se précipite en même temps sur la terre à la suite du monstre. La terreur nous glace le sang.

thésée. Quelle forme avait cette masse effroyable ?

le messager. Celle d'un taureau furieux. Sa tête est noire. Une crête superbe domine son front. Ses oreilles sont droites et hérissées. Ses cornes ont deux couleurs : l'une conviendrait aux taureaux superbes qui marchent à la tête des troupeaux, l'autre est celle des veaux marins. Ses yeux bleus lancent la flamme. Des muscles énormes sillonnent son cou monstrueux, et ses larges naseaux se gonflent avec un bruit terrible. L'algue des mers couvre sa poitrine et son fanon ; ses flancs sont parsemés de taches de feu. L'extrémité de son corps se termine en une bête monstrueuse, comme un immense dragon hérissé d'écailles qui se traîne en replis tortueux [...]. La terre tremble. Les troupeaux effrayés se dispersent à travers les campagnes, et le pasteur oublie de les suivre. Toutes les bêtes fauves s'enfuient : tous les chasseurs sont glacés d'effroi. Hippolyte seul reste intrépide ; il serre fortement les rênes, dirige ses coursiers et les rassure de sa voix.

Du côté d'Argos, dans une gorge de rochers, est un sentier qui domine la mer. C'est là que le monstre se place et prépare sa fureur. Après s'être assuré de lui-même, et avoir éprouvé sa colère, il s'élance d'un bond rapide, et, touchant à peine la terre dans la promptitude de sa course, vient s'abattre furieux sous les pieds des chevaux épouvantés. Votre fils alors lève fièrement son front, et, sans pâlir, crie d'une voix terrible : « Ce vain épouvantail n'ébranle point mon courage. Vaincre des taureaux, c'est pour moi une tâche héréditaire. » Au même instant, les chevaux, rebelles au frein, entraînent le char, et s'écartent de la route. Dans l'emportement de leur frayeur, ils courent au hasard et se précipitent à travers les rochers. Tel qu'un pilote qui cherche à retenir son vaisseau battu par la tempête, et déploie toutes les ressources de son art pour empêcher qu'il ne se brise contre les écueils, Hippolyte tantôt serre le frein, tantôt fouette ses coursiers. Le monstre s'attache à ses pas. Tantôt il marche à côté du char, tantôt il se présente à la tête des chevaux et redouble leur effroi. Ils ne peuvent fuir plus longtemps. Le taureau dresse devant eux ses cornes épouvantables.

Alors les coursiers éperdus brisent leur frein, s'efforcent de secouer leur joug, et, se dressant sur leurs pieds, précipitent le char. Hippolyte renversé tombe sur le visage, et s'embarrasse dans les rênes. Plus il se débat, plus il resserre les nœuds qui l'entourent. Les chevaux s'en aperçoivent, et, libres de leurs mouvements, entraînent le char vide partout où l'effroi les conduit. [...]

Le sang d'Hippolyte rougit au loin les campagnes. Sa tête se brise contre les rochers ; les ronces arrachent ses cheveux ; les pierres déchirent son noble visage, et sa beauté, cause de tous ses malheurs, disparaît sous mille blessures. Le char continue de fuir avec la même vitesse et d'entraîner sa victime expirante. Enfin il se heurte contre un tronc d'arbre brûlé dont la pointe arrête le corps d'Hippolyte en lui perçant les entrailles. Les chevaux, un moment entravés, font un effort qui rompt l'obstacle et détache le corps de leur maître. Il a cessé de vivre. Son cadavre est en pièces. Les ronces, les buissons et les arbres en retiennent des lambeaux. Ses serviteurs, accablés de tristesse, suivent la trace de son sang, et sa meute gémissante cherche partout ses membres épars. Les soins les plus empressés n'ont pu réunir encore tous ces malheureux débris. Est-ce donc là ce qui reste de la beauté de ce jeune prince, l'héritier du trône de son père dont il partageait la gloire ? Naguère il brillait comme un astre, et l'on rassemble en ce moment ses membres pour le bûcher. Sa dépouille attend les honneurs funèbres.

Sénèque

La mort d'Hippolyte.
La mort d'Hippolyte.