ouverture

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».

Dans son sens le plus général et le plus commun, ce terme désigne le morceau d'orchestre joué à rideau fermé avant une représentation d'opéra, voire avant tout spectacle (ouverture de Coriolan de Beethoven, écrite pour précéder une pièce de théâtre). Le premier exemple connu en est sans doute la courte fanfare intitulée toccata précédant l'Orfeo de Monteverdi, et, pendant plus d'un demi-siècle, on devait trouver au début des opéras de brèves pages appelées toccata, sinfonia, sonate ou canzone n'ayant d'autre fonction que d'annoncer le spectacle. Lully composa pour ses opéras de véritables ouvertures orchestrales dont la forme particulière, sous le nom d'ouverture à la française, allait envahir toute l'Europe : première partie lente et majestueuse, seconde partie rapide et de style fugué, reprise abrégée de la première partie. Les quatre suites d'orchestre de J.-S. Bach débutent par de telles ouvertures, et se poursuivent par des danses. Le vocable « ouverture » en arriva ainsi à désigner la suite dans son ensemble, en d'autres termes une partition instrumentale indépendante en plusieurs morceaux de caractères différents.

Une évolution analogue eut lieu au xviiie siècle du côté de l'Italie. L'ouverture typique de l'opéra bouffe italien était alors très différente de celle dite « à la française » : en trois parties également, mais selon le schéma vif-lent-vif, et dans un style mélodique aux rythmes simples, fuyant toute polyphonie. Or il arriva que de telles ouvertures furent jouées indépendamment, ou que furent composés des ouvrages isolés en adoptant l'esprit et la structure, ce qui explique par exemple que certaines symphonies de jeunesse de Mozart ne se distinguent en rien des ouvertures qu'à la même époque il destinait à ses premiers opéras italiens, ou que la « symphonie » op. 18 no 2 de Jean-Chrétien Bach ne soit autre que l'ouverture de son opéra Lucio Silla.

Ouverture et ouvrage lyrique

Au milieu du xviiie siècle commença à se poser sérieusement le problème des rapports musicaux et dramatiques entre l'ouverture et l'ouvrage lyrique qu'elle précède. Rameau n'y fut pas indifférent (Zoroastre). Gluck s'y attaqua très consciemment (Alceste, Iphigénie en Aulide), Mozart également. Beethoven alla si loin en ce sens qu'avec Leonore III il écrivit en fait, sans l'avoir voulu, moins une ouverture qu'un véritable morceau de concert indépendant, se suffisant à lui-même. De ce nouveau type d'ouverture, proche du poème symphonique, la descendance devait être nombreuse (Ouverture sur des thèmes académiques et Ouverture tragique de Brahms). D'autres ouvertures de Beethoven ont avec le drame qui suit des liens très étroits, en particulier celle d'Egmont (premier volet d'une musique de scène pour le drame de Goethe).

Poursuivant en ce sens, le xixe siècle aboutit soit à une manière de pot-pourri sur les thèmes de l'opéra (Rossini), soit à une sorte de résumé thématique (Weber), ce qui de toute façon produisit des musiques dont le succès comme pièces de concert isolées se trouva assuré (Mendelssohn, Berlioz, Manfred de Schumann) ; ce siècle développa aussi la notion de prélude, l'orchestre participant alors dès ses premières notes à l'action elle-même, et ce non seulement au premier acte, mais à tous les actes d'une œuvre (Lohengrin, les Maîtres chanteurs ou Parsifal de Wagner) : le prélude de Tristan en est l'exemple le plus célèbre, mais le premier en date est sans doute le prélude de la Création de Haydn. De cette évolution, le terme logique devait paradoxalement être la suppression de toute ouverture, la projection immédiate du spectateur-auditeur dans le feu non seulement de l'action, mais du dialogue (Salomé et Elektra de Richard Strauss, Wozzeck d'Alban Berg).

Les modèles anciens n'en subsistent pas moins aujourd'hui, soit comme références au passé (Ariane à Naxos de Richard Strauss), soit dans un contexte plus ou moins dénué de prétentions (opérettes), soit par suite de l'éclatement de la musique. La notion d'ouverture est à la fois une des plus précises et des plus diverses qui soient. L'ouverture de concert, en toute logique, ne devrait s'inscrire qu'en tête de programme (c'est le plus souvent le cas) ; or c'est parfois à l'extrême fin qu'elle se révèle le plus efficace, le mieux mise en valeur, le mieux à sa place.

Felix Mendelssohn-Bartholdy, le Songe d’une nuit d’été : ouverture
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Georges Bizet, Carmen : ouverture
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Gioacchino Rossini, l’Échelle de Soie : ouverture
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Gioacchino Rossini, Semiramide : ouverture
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Giuseppe Verdi, la Force du destin : ouverture
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Jacques Offenbach, les Bavards : ouverture
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Ludwig van Beethoven, Ouverture d’Egmont
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Luigi Cherubini, Médée : ouverture
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Mikhaïl Ivanovitch Glinka, Rouslan et Ludmilla : ouverture
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