Carlo Gesualdo
prince de Venosa
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».
Compositeur italien (Naples v. 1560 – id. 1614).
Issu d'une des familles les plus nobles et les plus anciennes du royaume des Deux-Siciles, il comptait parmi ses oncles le cardinal Carlo Borromeo dont la protection lui fut d'un grand secours tout au long d'une vie d'excès. Son père, compositeur amateur, fonda une académie musicale pour qu'il pût développer ses dons précoces. Il jouait du luth, chantait et composait. G. de Macque, Bartolomeo Roy et Pomponio Nenna firent partie de cette académie qui allait bientôt rivaliser avec celle, plus célèbre, du comte Bardi à Florence. Nenna fut sans doute d'ailleurs le principal maître de Gesualdo et lui enseigna l'art du madrigal. En 1578, Torquato Tasso fut admis à l'académie. Les deux premiers livres de madrigaux de Gesualdo mettent très souvent en musique des textes de ce grand poète.En 1586, Gesualdo épousa sa cousine Donna Maria d'Avalos, femme très belle, dont c'était le troisième mariage. Cette union ne fut guère heureuse : Gesualdo délaissa très vite sa femme qui reporta son affection sur le duc d'Andria. En 1590, découvrant son déshonneur, il fit poignarder les deux amants en sa présence. Redoutant la vengeance des familles, il se réfugia dans son château de Gesualdo et s'y prépara à l'éventualité d'un siège. Doutant de tout, même de la légitimité de son fils, il le fit étouffer. Grâce à son oncle, il put signer un contrat de fiançailles avec Eleonora d'Este, fille d'Alfonso d'Este, duc de Ferrare (1593). Ce second mariage fut encore plus houleux. La famille d'Este s'acharna à faire divorcer Eleonora, qui s'y opposait et réussit à ramener son époux dans le sein de l'Église. Gesualdo composa alors de la musique religieuse, dont un livre de répons pour l'office de ténèbres. Dans ces œuvres, on note pour thème premier celui de la mort avec, en contre-chant, la parole du décalogue : « Tu ne tueras point. »
L'œuvre de Gesualdo comprend deux parties distinctes : la musique profane et la musique religieuse, chacune correspondant à une époque déterminée. En 1958 fut découvert le manuscrit d'un recueil de dix Gagliarde a 4 per suonare le viole et d'une Sinfonia a quattro antiche qui, avec une pièce de clavecin que possède le British Museum, constitue sa contribution à la musique instrumentale.
Cette œuvre est le reflet, avec l'audace d'expression d'un musicien attaché à la Renaissance mais qui annonce à plusieurs égards l'époque baroque, des excès d'une vie étonnante. À la lecture de ses six livres de madrigaux à 5 voix (un autre est à 6 voix), on découvre le cheminement d'un compositeur « révolutionnaire », en ce sens qu'il tente l'expérience d'un langage totalement nouveau et libre de toutes contraintes. Quant à l'expression, elle atteint souvent une intensité angoissée, voisine de la violence, soit dans la sensualité de ses madrigaux exploitant au maximum chaque occasion offerte par le texte (par exemple, Moro lasso al mio duolo), soit dans la contrition, le recueillement qui sont l'essence de la musique religieuse. Si on a pu qualifier Gesualdo de « génie hors pair », c'est qu'il a su allier une écriture d'une grande richesse contrapuntique à des recherches d'harmonie, où le chromatisme et les retards (parfois non résolus) conduisent à des dissonances fort en avance pour l'époque.