Raymond Radiguet
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».
Écrivain français (Saint-Maur-des-Fossés 1903 – Paris 1923).
Poète à 14 ans, journaliste à 15, lié au Montmartre artistique puis au Montparnasse des années 1920, celui de Picasso et de Max Jacob, de Modigliani et de Cocteau, mêlé à la brillante compagnie du « Bœuf sur le toit », Radiguet avait tout pour s'accomplir dans l'ordre de la modernité. Ses poèmes (les Joues en feu, 1920) et une comédie loufoque (les Pélicans, 1921) s'y inscrivent sans peine. Ce n'est pourtant pas par là qu'il demeure. Si ses deux romans, le Diable au corps (1923) et le Bal du comte d'Orgel (1924), nous retiennent aujourd'hui, c'est qu'ils sont classiques à tous égards : dans l'analyse des personnages, dans le style d'une « banalité supérieure » (Gide), dans les références explicites enfin (Mme de La Fayette et Laclos). Le Diable au corps peint une jeunesse tôt mûrie, entraînée plus vite et plus loin que ses aînés dans les « grandes vacances » de la guerre. Traditionnelle dans le discours amoureux, la narration joue aussi d'un langage plus secret, emprunte des images au symbolisme de l'eau et du feu, mettant peu à peu en place une inexorable machinerie. Sorte de pastiche de la Princesse de Clèves, le Bal du comte d'Orgel est d'une transparence trompeuse. Le trouble règne tout au long de ce récit rigoureux qui dissimule à peine les ambiguïtés, la grandeur et la douleur du renoncement à l'amour. Mort à 20 ans de la typhoïde, Radiguet laisse une œuvre précoce où l'écriture court sans assembler d'autres faits que nécessaires, élevant le détail psychologique à la maxime de portée universelle.