Pierre Charron
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».
Philosophe et moraliste français (Paris 1541 – id. 1603).
Issu d'une famille de libraires, il entra dans les ordres en 1576 et parcourut la France, tantôt prêchant, tantôt exerçant les fonctions de théologal. À Bordeaux, où il séjourna plusieurs années, il se lia intimement avec Montaigne dont la pensée l'influença profondément. Beaucoup plus intentionnellement que ce dernier, il contribua au renforcement du « fidéisme sceptique », mouvement se servant de la philosophie sceptique pour préparer la venue de la foi pure, dénuée de tout fondement rationnel, par un anéantissement systématique des lumières naturelles de l'homme : reprenant ce pyrrhonisme aux Essais de son prédécesseur pour l'allier à l'anti-intellectualisme chrétien, principalement hérité de la sensibilité paulinienne et de la théologie négative, Charron a nettement participé à cette alliance du doute et de la foi qui deviendra un lieu commun de l'apologétique au xviie siècle. Auteur d'une apologie de la religion catholique destinée à réfuter Duplessis-Mornay et, avec lui, l'ensemble des réformés (les Trois Vérités, 1593), il est surtout connu pour ce qui est considéré comme un des premiers ouvrages philosophiques en langue vernaculaire : De la sagesse (1601), dont le succès fut important auprès des libertins érudits du xviie siècle (49 éditions de 1601 à 1672). Fortement inspiré des Essais de Montaigne, ce traité déplaçait le centre de gravité de toute sagesse vers l'étude de l'homme : une telle anthropologie, pessimiste et méfiante envers les capacités humaines de connaissance, voyait dans la foi la seule issue à la morale provisoire et imparfaite dont l'homme pouvait se montrer capable.