Marie de France
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».
Poétesse française (1154-1189).
Originaire de France, elle a vécu en Grande-Bretagne, sans doute à la cour d'Henri II Plantagenêt. Son œuvre la plus célèbre est les Lais (vers 1160), conservés par les manuscrits soit isolément, soit en recueils : l'un d'eux rassemble une douzaine de ces poèmes narratifs, avec deux prologues permettant de deviner une élaboration et une réflexion globales de l'auteur. La structure et les formules d'introduction et de conclusion caractérisent un genre particulier de récit bref, dérivant, par l'intermédiaire de conteurs bretons, de traditions celtiques et de sources folkloriques diverses. Mais Marie s'est inspirée aussi d'Ovide, de l'Eneas, du Brut de Wace et de Tristan. Son originalité est de redistribuer les schémas et les motifs traditionnels et/ou légendaires en fonction d'une nouvelle esthétique, fondée sur le développement narratif du lai originel en conte et sur une peinture subtile des personnages. Dans Guigemar et dans Bisclavret, l'allure est encore archaïque, avec le thème de la biche qui parle, dans un cas, et un loup-garou dans l'autre. Mais la technique change avec Yonec, histoire d'un chevalier transformé en oiseau, Laüstic, qui raconte le meurtre d'un rossignol par un mari jaloux de la rencontre amoureuse dont il était le prétexte, Milon, où l'on voit un cygne porter les messages des amants, le Chèvrefeuille, avec une mise en scène de Tristan et d'Iseut, conduisant le récit à la description d'un emblème, celui de l'amoureux figuré par la plante enroulée autour de la branche de coudrier. L'évocation des mœurs de cour repose sur la combinaison du monde courtois de l'époque et du merveilleux celtique, qui transforme l'atmosphère violente de la légende que l'on croit deviner à l'origine. La fée de Lanval est une élégante demoiselle, et la rupture du contrat magique s'estompe pour laisser la place à un long procès provoqué par la reine. Le philtre des Deux Amants n'est plus qu'un « fortifiant » supposé aider le prétendant à gravir la colline avec la fille du roi dans ses bras. Le surgissement du merveilleux atténue cependant les traits réalistes du récit et suscite un sentiment d'étrangeté qui fait osciller entre la vraisemblance et le surnaturel. Le dernier lai du recueil, Éliduc, développe les éléments narratifs, prenant l'allure d'un petit roman : il fait mieux comprendre la superposition des motifs païens et chrétiens, dont l'ambiguïté masque peut-être un fantasme féminin faisant triompher le désir. Marie serait aussi l'auteur d'un recueil de fables, le premier en date des Isopets (1167-1189), écrit dans la tradition ésopique. Les fables proviendraient du Romulus Nilantinus, de l'Antiquité et du fonds populaire et folklorique. Par le biais des animaux, elles montrent l'homme concerné par les aléas de la vie féodale et sont le support d'une morale exprimée avec force. Enfin, Marie traduisit en 2 300 octosyllabes le traité latin d'Henri de Saltrey, l'Espurgatoire Saint Patrice (apr. 1189).