Joseph Delteil
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».
Écrivain français (Villar-en-Val, Aude, 1894 – Massane, Hérault, 1978).
Son procès, depuis les années 1920, est continuellement rouvert et fermé. La publication des Œuvres complètes (1961) n'a pas mis fin aux divergences à son sujet, non plus que la Deltheillerie (1968). Il a débuté par une poétique du cocasse (le Cœur grec, 1919 ; le Cygne androgyne, 1921) et, dans ses premiers romans (Sur le fleuve Amour, 1922 ; Choléra, 1923 ; les Cinq Sens, 1924), les initiateurs du surréalisme (notamment Aragon, Breton et Desnos) reconnaissent la spontanéité, la sensualité, l'impudeur, la joie et la passion dépourvues d'intellectualisme, qu'ils prônaient dans leur mouvement. Séduits aussi par sa personnalité fruste et rebelle, ils parcourent ensemble un bout de chemin, jusqu'à ce qu'ils se rendent compte de leur mutuelle incompatibilité d'humour. Sa Jeanne d'Arc (1925), « récit d'une vie passionnée », qui obtient le prix Femina, déclenche un scandale, dû surtout à l'extraordinaire publicité dont elle est l'objet : Delteil réalisera le scénario du film de Dreyer à partir de son livre (1927). Ses épopées en prose (les Poilus, 1926 ; la Jonque de porcelaine, 1927), ses biographies largement imaginaires (La Fayette, 1928 ; le Petit Jésus, 1928 ; Il était une fois Napoléon, 1929 ; Saint Don Juan, 1930) révèlent un écrivain de belle verve, hanté par la fatalité du destin, cherchant à dégager la grâce dont étaient investies ces personnalités dans une aventure qu'il conçoit comme solitaire, en dépit des foules. En 1930, il rencontre Caroline Dudley, la directrice de la Revue nègre, qu'il épousera en 1937. Une grave maladie l'amène alors à s'installer en province, près de Montpellier, où il se consacre à l'agriculture et à la vigne, s'enfermant dans un silence quasi total. C'est sa « période paléolithique » avec Jésus II (1947), la Cuisine paléolithique (1964), Alphabet (1973), le Sacré Corps (1976). Un portrait télévisé de J. M. Drot attire alors à nouveau l'attention sur lui et le consacre en sage rustique. Fidèle à son éducation chrétienne, il considère avoir fait œuvre de foi dans une œuvre où certains retrouvent le Verbe évangélique à l'état pur, c'est-à-dire un style original, brutal et lumineux.