Jean de Sponde
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».
Poète français (Mauléon 1557 – Bordeaux 1597).
Issu d'une famille protestante, il reçut une éducation humaniste par les soins de Jeanne d'Albret, dont son père était secrétaire. Ayant épousé le parti d'Henri IV, il se convertit au catholicisme en même temps que le roi, qui le nomma en 1592 lieutenant général de la sénéchaussée de La Rochelle. Mais son abjuration brisa sa carrière. Outre des traductions latines d'Homère, d'Hésiode et de la Logique d'Aristote, il a composé l'une des œuvres les plus éclatantes de la poésie baroque qui tient tout entière en deux minces recueils : les Amours, qui comprennent une chaîne de Sonnets, des Stances et une Élégie. Les poèmes sont construits sur de fortes antithèses logiques. Les éléments de la nature n'y sont évoqués que pour se heurter et s'annuler terme à terme. L'originalité d'un tel recueil est surtout d'échapper au réseau thématique conventionnel du canzoniere : ici, l'amour est tout entier désincarné, pour finir par se réduire à un principe d'élevation spirituelle qui doit permettre d'embrasser la seule vraie lumière. D'inspiration religieuse, les Amours visent à faire éclater aux yeux du croyant la vanité et les illusions de la vie mondaine. Cette poétique, dont la densité confine au silence, culmine avec les Douze Sonnets de la mort, suivis d'Autres Sonnets sur le même sujet, dans l'Essai de quelques poèmes chrestiens (1588). Fondée sur l'incommensurable écart entre la créature et le Créateur, cette « poésie métaphysique » apparaît indissociable de la pensée protestante et s'apparente à celle d'un John Donne. Théâtralisation souvent violente du parcours conduisant l'âme à se convertir en abandonnant les réalités de ce monde promises à la décrépitude, elle met en exergue l'inconstance de la vie humaine, poussant le lecteur à se tourner vers Dieu. Quant aux Méditations sur les psaumes (1588), elles annoncent en une prose coupée et anticicéronienne, certaines des Pensées de Pascal.