Ivan Alekseïevitch Bounine
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».
Écrivain russe (Voronej 1870 – Paris 1953).
L'un des plus grands prosateurs russes du xxe siècle, Bounine est aussi un poète dont l'œuvre (la Chute des feuilles, 1901) se veut résolument en dehors du temps : refusant la modernité, il utilise des formes traditionnelles pour peindre la nature au sein de laquelle s'est déroulée son enfance (il appartient à une vieille famille noble ruinée qui vit retirée dans ses terres de Russie centrale). Dans ses récits aussi, il renoue avec la tradition réaliste classique, le goût du détail et le sens de l'observation, la recherche de la perfection stylistique : dès ses débuts, il s'attache à décrire la Russie de sa jeunesse en prêtant l'oreille aux bruits, aux odeurs de la nature, mais aussi à ses propres sensations et souvenirs (les Pommes Antonov, 1900). Le Village, longue nouvelle de 1910, lui apporte la popularité. Il y décrit, autour d'une intrigue très lâche, la tristesse quotidienne, l'obscurantisme, l'amoralisme d'un petit village de Russie. L'ouvrage porte le sous-titre « Poema », justifié à la fois par son caractère lyrique et par sa portée, qui dépasse largement le seul village de Dournovo. Des récits inspirés par un voyage en Asie (le Temple du soleil, 1907-1911) lui permettent de se renouveler. Infatigable explorateur de la psychologie, il se tourne vers les « grandes questions » : dans le Monsieur de San Francisco (1915), il oppose à la vanité de la civilisation la seule réalité de la mort, en décrivant, avec un art dépouillé et objectif, les symptômes d'une vie fondée sur l'illusion. La mort du héros à son arrivée en Europe –où, après une vie de travail, il pensait trouver le bonheur – apporte un démenti cruel aux projets qu'il caressait. À la Révolution, dont il parlera comme de Jours maudits (titre de son journal), il émigre en France et revient à ses motifs de prédilection, l'amour, sous son aspect érotique et charnel, et la mort, dans l'Amour de Mitia (1925), récit d'un premier amour douloureux. Il est le premier écrivain russe à recevoir le prix Nobel en 1933. La douleur de l'exil le pousse à écrire un roman chargé d'éléments autobiographiques, la Vie d'Arséniev (1938), où il évoque la Russie de la jeunesse. Sept ans avant sa mort, il publie (1946) les Allées sombres, recueil de récits qui portent à sa perfection l'un des traits essentiels de son style, la concision.