île de La Réunion
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».
Française depuis 1642, cette île, déserte au moment de sa découverte – et alors baptisée île Bourbon – a été peuplée par diverses populations : aux Français se sont adjoints, durant la période esclavagiste, Malgaches, Africains de la côte est, Indiens du Sud et, plus tard, Chinois et immigrants du centre et du nord de l'Inde.
Jusqu'au milieu du XXe siècle, la vie littéraire réunionnaise se confond avec celle de la métropole. Au xviiie siècle, Bertin, Parny s'illustrent dans la capitale par de conventionnelles élégies galantes ; cependant, certaines pièces portent par coquetterie trace de leur enfance tropicale, telles les Chansons madécasses (prétendument inspirées par des complaintes malgaches) publiées en 1787 par E. Parny et inaugurant l'écriture poétique en prose. Au siècle suivant, A. Lacaussade, dont quelques rares poèmes disent la difficulté d'être un « mulâtre », et plus encore Léon Dierx, lié dès 1861 au Parnasse contemporain, s'inscrivent pleinement dans les mouvements littéraires français de leur temps, qu'anime même, pour ce qui est de l'école parnassienne, un célèbre compatriote : Leconte de Lisle, dont les recueils comme Poèmes antiques (1852) ou Poèmes barbares (1862) exaltent la beauté d'une nature et d'un art ouverts aux horizons non occidentaux. Dans la première moitié du xxe, Marius et Ary Leblond (pseudonymes des deux Réunionnais Georges Athénas et Aimé Merlo) animent plusieurs revues littéraires parisiennes (dont la Vie, pendant quarante et un ans) et prennent la tête d'un mouvement littéraire colonial (dont ils rédigent un manifeste en 1926, Après l'exotisme de Loti, le roman colonial). Ils publient aussi, de 1902 à 1942, une œuvre abondante mettant en perspective les territoires et les populations de l'empire colonial, surtout ceux de l'océan Indien dans des romans tels le Zézère (1903), le Miracle de la race (1914), Ulysse cafre (1924). On leur doit également des anthologies coloniales et des ouvrages historiques et documentaires.
Inaugurée en 1951 par le recueil de Jean Albany, Zamal, une veine poétique plus résolument ancrée dans l'île se fait jour et chante un art de vivre et une identité culturelle propres, et néanmoins en résonance avec ceux des autres îles créoles de la région et même de la grande île malgache. C'est sous le titre emblématique de Créolie qu'est lancé en 1978 un manifeste poétique signé par Gilbert Aubry et Jean-François Sam-Long à la louange de ce territoire symbolique. C'est aussi par un texte poétique de B. Gamaleya, Vali pour une reine morte, publié localement en 1973, que se relance une source d'inspiration insulaire (annoncée, dès 1842, par les Marrons, roman publié à Paris par L.-T. Houat, « Mulâtre proscrit de l'île Bourbon ») qui va se déployer en une mythologie : celle du marronnage (du nom de marrons donné aux esclaves fugitifs), déclinée comme culture et esthétique de la résistance et du détour dans nombre de romans historiques ou de recueils poétiques réunionnais. Dans l'écriture littéraire actuelle, le créole tient un rôle clé, tantôt comme langue exclusive d'expression (chez un romancier comme D. Honoré), tantôt comme langue alternant avec le français et témoignant des diverses modalités d'une parole réunionnaise (pour des poètes comme P. Treuthardt ou C. Marimoutou ou des dramaturges comme E. Genvrin). C'est aussi par l'heureuse innovation stylistique d'un français créolisé que certains écrivains suggèrent l'originalité de leur identité insulaire, tels les romanciers Axel Gauvin (Quartier Trois Lettres, 1980 ; l'Aimé, 1990 ; Train fou, 2000) ou Monique Agénor (Bé-Maho, 1996 ; Cocos de mer, 2000) que des maisons d'édition nationales distinguent et diffusent au-delà des limites de l'île.