Émile Michel Cioran
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».
Philosophe et moraliste roumain d'expression française (Rasinari 1911 – Paris 1995).
Après une thèse sur Bergson soutenue à Bucarest (1936), il se rend en France comme boursier et y résidera jusqu'à sa mort, choisissant le statut d'apatride. Un premier texte écrit en français, Précis de décomposition (1949), marque l'usage d'une langue d'adoption (« aux antipodes de ma nature, de mes débordements, de mon moi véritable »), comme moyen de contenir l'expression de l'affectivité et la propension à l'exagération qu'il stigmatise par ailleurs dans tous les comportements humains. Le même style sobre, inspiré des prosateurs du xviiie siècle, accueillant aphorismes, syllogismes et paradoxes, caractérise les essais suivants (Syllogismes de l'amertume, 1952 ; la Tentation d'exister, 1956 ; la Chute dans le temps, 1965 ; De l'inconvénient d'être né, 1973), entreprise méthodique de démythification des illusions des idéologies, de l'Histoire et de la foi religieuse. Convaincu de la misère fondamentale de l'homme et de la dérision de ses ambitions, il cultive l'ascétisme dans sa pensée comme dans son existence. Mais nihilisme et pessimisme radical, chez cet « esthète du désespoir », « courtisan du vide », ne vont pas sans une certaine autodérision, n'interdisent pas des Exercices d'admiration (1986) sur ses auteurs de prédilection, et cèdent peu à peu la place à une forme d'indifférence supérieure ou de doute raisonnable, finalement salutaire (Aveux et Anathèmes, 1987).