les Vampires

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des films ».

Serial de Louis Feuillade, avec Musidora (Irma Vep), Édouard Mathé (Philippe Guérande), Delphine Renot (sa mère), Louise Lagrange (Jane, sa fiancée), Jeanne-Marie Laurent (la mère de Jane), Jean Aymé (le grand vampire), Marcel Levesque (Mazamette), Fernand Hermann (Moreno), Stacia Napierkowska (la danseuse), Renée Carl (l'Andalouse), Bout-de-Zan.

  • Scénario : Louis Feuillade, Georges Meiers
  • Photographie : plusieurs opérateurs, dont G. Guérin
  • Décor : Robert-Jules Garnier
  • Production : Gaumont
  • Pays : France
  • Dates de sortie : 1915-1916
  • Durée : Dix épisodes de 40 min chacun environ

— 1) la Tête coupée

— 2) la Bague qui tue

— 3) le Cryptogramme rouge

— 4) le Spectre

— 5) l'Évasion du mort

— 6) les Yeux qui fascinent

— 7) Satanas

— 8) le Maître de la foudre

— 9) l'Homme des poisons

— 10) les Noces sanglantes

Résumé

Malgré le titre, il ne s'agit pas d'une histoire fantastique et le mot de vampire, dont l'anagramme donne le nom de leur égérie, n'est qu'une appellation que se sont donnée de redoutables malfaiteurs en lutte contre la société. Avec beaucoup de péripéties et de récits annexes, l'histoire peut se résumer à l'enquête menée par le journaliste Philippe Guérande pour démasquer la bande, responsable d'innombrables forfaits et toujours impunie malgré les efforts de la police.

Commentaire

Un film-feuilleton

Alors directeur chez Gaumont, Feuillade mit en chantier les Vampires pour contrer la sortie chez Pathé des Mystères de New York. Ici, plus encore que dans Fantômas dont le scénario reposait sur les ouvrages d'Allain et Souvestre, Feuillade laisse libre cours à son imagination. Et comme il est pressé, il finit par improviser au fur et à mesure du tournage et le texte destiné au film paraît chaque jour dans le Matin, en même temps que les épisodes sont distribués dans les salles à raison d'un par semaine. C'est toute la technique du feuilleton, qui, après la presse, fait étape au cinéma avant de nourrir la future télévision. On est donc en plein divertissement populaire, et la critique dans son ensemble manifesta sa désapprobation et même son dédain, y compris Louis Delluc ; mais, sans parler du succès public, les surréalistes, eux, s'enthousiasmèrent pour le brio, le merveilleux et la poésie d'une œuvre qui faisait fi de tous les schémas savants. Il faut noter cependant l'étonnant décalage, pour ne pas dire plus, entre ce monde abstrait à force de ne mettre en scène que des intrigues de fiction pure opposant des personnages totalement stéréotypés, et la réalité de la guerre où le pays était alors plongé.Paradoxalement, les Vampires ressemble pourtant à un grand documentaire. Quand on le voit aujourd'hui, ce qui frappe, en effet, c'est la minutie du décor, des costumes, la présence des extérieurs ; et comme la mise en scène est d'une sobriété très contrôlée, avec peu d'effets, toute latitude nous est laissée pour apprécier ce portrait direct de la réalité quotidienne de l'environnement en 1915-1916. Un peu comme les peintres de la Renaissance nous renseignent mieux sur la vie de leur temps que sur les scènes bibliques qu'ils étaient censés peindre…Et puis, il y a Musidora, cette « Dixième Muse » dont parlait Aragon, moulée dans un maillot de soie noire dont l'effet est renforcé par une cagoule identique. Elle est la première vamp et c'est normal, puisque le mot vient de vampire… Par la grâce de ce personnage d'aventurière fatale dont nul n'oubliera l'image, elle est devenue un mythe et justifie ainsi, in fine, la connotation fantastique du titre.