le Mariage de Maria Braun
Die Ehe der Maria Braun
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des films ».
Drame de Rainer Werner Fassbinder, avec Hanna Schygulla (Maria), Klaus Löwitsch (Hermann), Ivan Desny (Oswald), Gottfried John (Willi), Gisela Ulhen (la mère), Günter Lamprecht (Wetzel).
- Scénario : Peter Marthescheimer, Pia Froelich, sur une idée de R.W. Fassbinder
- Photographie : Michael Ballhaus
- Musique : Peer Raben
- Montage : Juliane Lorenz
- Production : Albatros Produktion (Munich), Trio Film (Duisburg), WDR (Cologne)
- Pays : R.F.A.
- Date de sortie : 1979
- Son : couleurs
- Durée : 2 h
Résumé
L'histoire de Maria commence juste après la capitulation de l'Allemagne. Son mari fait prisonnier – leur mariage n'a duré que vingt-quatre heures –, elle doit affronter, avec sa mère et son grand-père, leur survie dans un pays détruit par la guerre : marché noir, trocs, petits trafics, c'est le lot de tous les Allemands à l'époque. Mais cela ne suffit pas pour vivre, et Maria qui croit son mari mort s'engage comme entraîneuse dans un bar pour soldats américains. Elle a une liaison avec un officier noir qui la comble de cadeaux, mais son mari revient et, prise de peur, elle tue l'Américain. Hermann s'accuse du crime et est condamné à huit ans de prison. Maria ne vit que dans l'espoir de sa sortie. Entre-temps, elle est engagée par un riche industriel – dont elle devient accessoirement la maîtresse – et grâce à son travail, sa ténacité, son intelligence, fait rapidement carrière. Au bout de quelques années, sa réussite est totale, mais Hermann, sorti de prison, refuse de profiter de l'argent gagné par sa femme et s'expatrie au Canada. Désespérée, Maria devient de plus en plus âpre au gain, égoïste et amère. Malgré son extraordinaire réussite, sa vie est un échec. Hermann revient, fortune faite, et le couple peut enfin, après tant d'années de séparation et d'épreuves, se reconstituer. C'est alors qu'une explosion de gaz fait sauter la maison…
Commentaire
Une héroïne métaphore
L'actrice Hanna Schygulla, omniprésente dans le film, lui donne une force particulière en jouant avec talent sur l'ambiguïté du personnage, oscillant sans cesse entre la femme dure, arriviste, sans scrupules et l'amoureuse éternellement fidèle à son époux. Mais il est évident que Maria est une métaphore de l'Allemagne de l'après-guerre : ses ruines, son désastre économique, le désespoir de ses habitants n'ont été surmontés que grâce à l'aide américaine, et l'enrichissement de Maria, c'est, bien sûr, l'extraordinaire et rapide remontée économique de l'Allemagne d'Adenauer dont on entend la voix proclamant l'abandon de tout rêve de gloire et de conquête et la volonté du pays de s'enrichir et uniquement de s'enrichir. Mais l'explosion finale est un signe de fragilité : de même que Maria s'endurcit au fur et à mesure de sa réussite, de même l'Allemagne perd son âme dans ce processus. Si le film véhicule une certaine critique de l'Allemagne post-Adenauer, repue dans sa richesse et son égoïsme, il faut noter qu'aucune allusion n'est faite à la période nazie ; il y a occultation du passé – et de la responsabilité de la génération des parents de Maria. Or, c'est ce passé que Maria essaie de retenir, malgré aventures et compromissions, en restant fidèle à son mari : il n'est pas seulement l'homme qu'elle aime, mais celui qu'elle a épousé vingt ans auparavant, et qui constitue un élément fondamental de sa propre identité.