la Femme du boulanger

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des films ».

Drame psychologique de Marcel Pagnol, avec Raimu (Aimable Castanier), Ginette Leclerc (Aurélie), Charles Moulin (Dominique, le berger), Fernand Charpin (le marquis), Robert Vattier (le curé), Alida Rouffe (sa bonne), Robert Bassac (l'instituteur), Édouard Delmont (Maillefer « Patience »), Charles Blavette (Antonin).

  • Scénario : Marcel Pagnol, d'après un épisode du récit de Jean Giono Jean le Bleu
  • Photographie : Georges Benoît
  • Musique : Vincent Scotto
  • Montage : Suzanne de Troye
  • Production : Marcel Pagnol
  • Pays : France
  • Date de sortie : 1938
  • Son : noir et blanc
  • Durée : 2 h 05

Résumé

Séduite par Dominique, berger et valet du châtelain, Aurélie, la femme du boulanger, quitte son mari pour suivre son amant. Le boulanger, Aimable Castanier, se laisser aller au désespoir et refuse de cuire le pain. Dès lors, son malheur devient celui de tous les habitants du village, qui vont se liguer pour ramener l'infidèle et lui obtenir le pardon de son mari.

Commentaire

Raimu tel qu'en lui-même

La Femme du boulanger est inspirée d'un livre de Jean Giono, Jean le Bleu, recueil de souvenirs dont l'un des épisodes sert de point de départ au film de Marcel Pagnol. Celui-ci va cependant étoffer la nouvelle de Giono, la bâtir en lui donnant toute sa dimension dramaturgique.

On retrouve dans le film le cadre villageois cher à Pagnol, avec toute la saga des personnages méridionaux : le curé, l'instituteur laïc et républicain, en passant par le marquis monarchiste et cocardier, la bonne Céleste, etc. Le drame du boulanger que sa femme rend cocu – un boulanger malheureux qui ne fait plus son pain – sera donc celui du village tout entier et la résolution du drame devra passer par l'assentiment de chacun. La Femme du boulanger est un film sur la démocratie villageoise : à partir du moment où l'un des membres de la communauté subit l'affront, c'est toute la communauté qui est visée, et le salut du boulanger passe par la mobilisation de tous. Tel semble être le message du film de Marcel Pagnol. Le berger devenu l'amant de la boulangère est un être de passage, il n'est pas du village, il est « étranger » à la communauté. Pour que l'harmonie revienne, il faudra que le berger s'en aille. Tout redeviendra ensuite « comme avant », lorsque le boulanger aura accordé son pardon (la scène est mémorable). Mais il n'est pas sûr que Pagnol soit réellement dupe : il est des cicatrices dont la marque est discrète, d'autant qu'elle est inscrite en chacun des membres de la communauté villageoise.

Ce film fait date dans l'histoire du cinéma en raison du caractère exceptionnel de l'interprétation de Raimu, dont ce fut peut-être le plus beau rôle cinématographique. Sur une partition on ne peut plus complexe, passant du comique au pathétique sans crier gare, Raimu joue son rôle tout en finesse, avec une retenue qui ne fait qu'amplifier l'émotion. Et chacun se souvient de la fameuse séquence dans laquelle le boulanger sermonne sa chatte qui revient de cavale, chaque mot visant en fait l'infidèle Aurélie, rentrée honteuse de sa fugue amoureuse. Cette séquence fait partie, depuis cinquante ans, de l'anthologie des plus belles scènes du cinéma mondial.

  • 1938 La Femme du boulanger, film de M. Pagnol, d'après J. Giono, avec Raimu.