Vol au-dessus d'un nid de coucou
One Flew Over the Cuckoo's Nest
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des films ».
Drame de Miloš Forman, avec Jack Nicholson (R.P. McMurphy), Louise Fletcher (miss Ratched), William Redfiel (Harding), Dean R. Brooks (Dr Spivey), Scatman Crothers (Turkle), Danny DeVito (Martini), Will Sampson (l'Indien), Brad Dourif (Billy Bibbit).
- Scénario : Lawrence Hauben, Bo Goldman, d'après le roman de Ken Kesey la Machine à brouillard
- Photographie : Haskell Wexler
- Décor : Paul Sylbert
- Musique : Jack Nitzsche, Ed Bogas
- Montage : Richard Chew
- Production : Saul Zaentz, Michael Douglas (Fantasy Films)
- Pays : États-Unis
- Date de sortie : 1975
- Son : couleurs
- Durée : 2 h 14
- Prix : Oscars 1975 : meilleur film, meilleur metteur en scène, meilleur acteur (Jack Nicholson), meilleure actrice (Louise Fletcher)
Résumé
R.P. McMurphy, détenu de droit commun, est placé sous tutelle médicale dans un établissement psychiatrique, où l'infirmière-chef, miss Ratched, fait régner un climat concentrationnaire, auquel se soumettent avec plus ou moins de consentement les autres malades. À l'exception, peut-être, d'un Indien autiste, véritable force de la nature représentant un primitivisme contraint, mais non encore annihilé. En refusant ce système, en organisant la désobéissance et la subversion, McMurphy va mettre en danger les fondements d'un univers totalitaire, et, par là-même, signer son arrêt de mort. Symboliquement, une lobotomie « thérapeutique » anéantira sa force vitale, qui est en même temps son libre arbitre.
Commentaire
Une fable doublement exemplaire
Vol au-dessus d'un nid de coucou, deuxième film réalisé aux États-Unis par Milos Forman, est tiré d'un roman à succès. L'adaptation de Forman et de ses scénaristes élargit la fable développée dans le livre, voyage psychédélique qui servait de symbole à une critique de la civilisation occidentale, telle qu'on la contestait à la fin des années 1960. La grande majorité du public européen, qui a fait un triomphe justifié au film, n'y a entrevu néanmoins que l'une de ses multiples significations : la stigmatisation du goulag. Le film, comme le roman, plonge ses racines dans l'histoire des États-Unis et de ses mythes fondateurs. Si la clinique psychiatrique est le microcosme emblématique de tous les goulags et des régimes totalitaires qui les sécrètent, elle est aussi l'image symbolique de l'aboutissement d'une civilisation américaine déviante, qui a trahi les principes éthiques de ses origines pour nier, en l'oubliant, le génocide sur lequel elle s'est édifiée et, corrélativement, a refoulé le sauvage dont elle redoute le retour en son sein. La fraternisation de l'Indien et de McMurphy renvoie ainsi à celle de Chingackgook et de Natty Bumppo dans le cycle de James Fenimore Cooper, d'Ishmael et de Queequeeg dans Moby Dick. Quant à Ratched, l'infirmière castratrice, elle est une certaine image symbolique de la mère américaine, image lointainement issue du personnage d'Annah Duston, défendant sa vie et sa vertu seule contre une horde d'Indiens, dans un épisode véridique, mythifié dans les récits de Cotton Mather, Hawthorne et Thoreau.
Film satirique, violemment corrosif, servi par une interprétation inspirée et survoltée, dominée par Jack Nicholson et Louise Fletcher, Vol au-dessus d'un nid de coucou laisse apparaître un thème obsessionnel, dont on retrouvera les avatars dans les productions ultérieures de Milos Forman : celui du Liebestod (la mort d'amour). Mort (lobotomisé), McMurphy sera vampirisé par son ami l'Indien, qui, absorbant pour ainsi dire sa substance vitale, sa puissance de révolte, retrouvera les forces qui lui permettront de s'échapper vers les montages de ses ancêtres, vers la nature, vers ses origines.