Andreï Roublev
Andrej Rublëv
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des films ».
Film historique d'Andreï Tarkovski, avec Anatoli Solonitsyne (Roublev), Ivan Lapikov (Kyrill), Nikolai Grinko (Daniil le Noir), Nikolai Sergueiev (Théophane le Grec), Irma Tarkovskaïa (la sourde-muette), Nikolai Bourliaiev (Boris), Rolan Bykov (le bouffon), Mikhaïl Kononov (Fomka), Youri Nazarov (le Grand Duc de Moscovie).
- Scénario : Andreï Mikhalkov-Kontchalovski, Andreï Tarkovski
- Photographie : Vadim Youssov
- Décor : Evgueni Tcherniaiev
- Musique : Viatcheslav Ovtchinnikov
- Montage : Loudmila Feyganova
- Production : Mosfilm
- Pays : U.R.S.S.
- Dates de sortie : 1966-1971 (sorti en France en 1969)
- Son : NB et Couleurs
- Durée : 3 h 05
- Prix : Prix de la Critique internationale (Fipresci), Cannes 1969
Résumé
Prologue : un serf s'envole dans une rustique montgolfière, mais retombe au sol.
Première partie : en 1400, les moines Andreï, Daniil et Kyrill arrivent dans une auberge où se produit un bouffon qui est arrêté et torturé lorsque Kyrill le dénonce comme suppôt de Satan. En 1405, le peintre Théophane le Grec demande à Roublev de venir travailler avec lui à la décoration de l'église de l'Annonciation à Moscou. En 1408, Roublev exécute avec Daniil les fresques de la cathédrale de la Dormition de Vladimir mais, témoin de la violence de l'époque, il s'exclame : « Je ne peux pas peindre cela ! » et macule le mur de l'église.
Seconde partie : les Tartars envahissent Vladimir et massacrent les fidèles dans la cathédrale. Andreï se mure dans le silence pour expier le meurtre d'un homme qu'il a tué durant le sac de la ville. En 1424, tandis que la peste ravage le pays, un jeune garçon fond une cloche en prétendant faussement que son père lui a transmis les secrets de ce travail avant de mourir. Devant ce « miracle », Roublev sort de son silence. L'épilogue (en couleurs) montre des icônes et des fresques (dont la célèbre Trinité de Roublev) puis des chevaux en liberté sous la pluie.
Commentaire
Splendeur et rigueur
Tarkovski était croyant, mais sa foi se situait à une telle altitude spirituelle qu'on peut faire de cette admirable fresque une lecture « laïque » aussi bien que mystique : ainsi la réussite du jeune fondeur peut être due au génie créateur de l'homme tout autant qu'à l'inspiration divine. Significative est la réticence du moine Roublev à peindre les affres de l'enfer alors que les humains subissent quotidiennement l'oppression et la violence de cette dramatique période. Sa description d'un brutal réalisme est à l'origine des longs démêlés de Tarkovski avec les responsables du cinéma soviétique qui, l'accusant d'une vision erronée de l'Histoire, ont exigé la coupure de certaines scènes. Le « message » de Tarkovski peut donc être considéré comme humaniste tout autant que mystique : même si l'artiste, a-t-il dit, est doué d'une « étincelle divine », il est « le porte-parole du peuple ». Au plan du style, le cinéaste privilégie la métaphore (la montgolfière et la cloche, qui suggèrent l'élévation spirituelle) et montre autant de splendeur que de rigueur dans son expression plastique.