basilique Sainte-Sophie de Constantinople
Ancienne basilique de Constantinople, construite entre 532 et 548, transformée en mosquée après la prise de la ville par les Ottomans en 1453, et devenue musée (musée de l'Aya Sofya) depuis 1934. Depuis le 10 juillet 2020, elle est réouverte au culte musulman.
HISTOIRE
C'est en l'année 325, la vingtième de son règne, que l'empereur Constantin fit élever la première basilique, consacrée non pas comme on le croit parfois à une sainte du nom de Sophie, mais à la Sagesse Divine (en grec : Haghia Sophia), sur un emplacement où, du temps où la ville grecque s'appelait encore Byzance, s'élevaient des temples païens. Son fils Constance la fit agrandir et l'Haghia Sophia devint l'église épiscopale de Constantinople. En 404, sous l'empereur Arcadius, elle fut incendiée en partie au cours d'une émeute suscitée par l'exil de saint Jean Chrysostome. Rebâtie en 415 par Théodose II, la basilique fut brûlée une seconde fois en 532 lors de la grande sédition Nika (ou insurrection des Victoriats), causée par des rivalités du Cirque, la cinquième année du règne de Justinien Ier.
C'est à ce dernier empereur que nous devons l'édifice qui existe encore aujourd'hui. Il voulut que le sanctuaire de sa capitale fût le monument le plus magnifique que l'on eût vu depuis la fondation de la ville : aussi fit-il recueillir dans toutes les provinces de l'empire les matériaux les plus précieux, les marbres les plus rares, les colonnes les plus fines des temples les plus renommés. C'est ainsi qu'il reçut d'Éphèse huit colonnes de brèche verte provenant probablement du célèbre temple de Diane, et de Rome huit colonnes de porphyre enlevées autrefois par l'empereur Aurélien au temple de Jupiter Héliopolitain à Baalbek. Les temples grecs d'Athènes, de Délos, de Cyzique, ceux d'Isis et d'Osiris en Égypte, furent aussi mis à contribution.
Deux architectes grecs, Anthémios de Tralles et Isidore de Milet, furent chargés de la direction des travaux, mais on fit courir la légende que l'empereur avait reçu d'un ange le plan de l'édifice et l'argent nécessaire à sa construction. Justinien voulut en jeter les fondations en personne.
Une vaste esplanade, recouverte d'une sorte de ciment formant une couche de vingt pieds d'épaisseur, et qui finit par acquérir la dureté du béton, servit d'assise à la construction. Les murs furent élevés en briques, mais on bâtit les piliers en grandes pierres calcaires qui furent reliées par des crampons de fer, ainsi que des tables de marbre dont tous les murs intérieurs furent revêtus. Dix mille ouvriers conduits par cent maîtres maçons étaient employés à la fois sur le chantier. À toute heure, l'empereur venait surveiller les travaux et récompenser les plus zélés.
Pour la construction du dôme, Justinien fit confectionner à Rhodes des briques d'une terre si légère que douze d'entre elles ne pesaient pas plus qu'une brique ordinaire ; elles portaient l'inscription suivante : « C'est Dieu qui l'a fondé, Dieu lui portera secours. » On les disposa en assises régulières ; de douze en douze assises, on y maçonnait des reliques, et le clergé disait des prières.
Le temple fut décoré avec splendeur, et les sommes immenses dépensées réduisirent l'empereur aux expédients les plus coupables pour se procurer de l'argent. Enfin le monument fut achevé en 548. L'empereur procéda à l'inauguration avec magnificence. Après une marche triomphale sur l'Hippodrome, il se rendit à la basilique et s'écria : « Gloire à Dieu qui m'a jugé digne d'accomplir cet ouvrage ; je t'ai surpassé ô Salomon ! » Les prières, les festins publics et les distributions d'aumônes durèrent quatorze jours.
Les aléas de la postérité
La coupole, bâtie avec trop de hardiesse, s'écroula en 558/559 sous l'effet d'un tremblement de terre. L'architecte Isidore le Jeune fut chargé de la reconstruire. Il diminua son diamètre et renforça les piliers en leur accolant extérieurement de fortes murailles. En 975, sous les empereurs Basile II et Constantin IX, une nouvelle restauration fut nécessaire. En 1347, un séisme endommagea la coupole qui dut être à nouveau restaurée sous la direction des architectes Astaros, Faciolatus et Giovanni Peralta ; les travaux durèrent jusqu'en 1354. En 1371, un nouveau tremblement de terre renversa la croix.
Le 29 mai 1453, le soir même de la prise de Constantinople, le sultan Mehmet II se rendit à Sainte-Sophie et donna l'ordre de la transformer en mosquée. Le 1er juin, il y faisait sa prière. Il fit construire un minaret et les deux contreforts qui soutiennent l'édifice au sud-est. Bayazid fit ériger le minaret du nord-est, et le sultan Sélim II, ceux de l'ouest ainsi que de nouveaux murs de soutènement. Les sultans firent de nombreuses donations pour enrichir le sanctuaire : Süleyman Ier (Soliman le Magnifique) offrit deux candélabres qui flanquent le mihrab. Ahmet Ier donna à la loge impériale son aspect actuel et fit suspendre le candélabre qui pend sous la grande coupole. Les inscriptions des cartouches furent l d'un célèbre calligraphe du xviie siècle. Au xviiie siècle, on fit disparaître les mosaïques byzantines sous un épais badigeon, mais en 1847 le sultan Abdülmeçit confia à l'architecte Fossati le soin de restaurer l'édifice, et quelques mosaïques furent alors dégagées. Jusqu'en 1934, Sainte-Sophie, l'Aya Sofya servit ainsi de mosquée. À cette date, Atatürk la fit transformer en musée.
L'ARCHITECTURE
L'extérieur
De l'extérieur, il est très difficile de reconnaître le plan primitif de la basilique. Des contreforts massifs, ajoutés pour étayer l'édifice ébranlé par les tremblements de terre successifs, ainsi que plusieurs constructions postérieures adossées aux murs de la basilique, en masquent l'architecture et alourdissent les formes.
Seuls, les quatre minarets édifiés au xve siècle (lors de la transformation de l'église en mosquée) aux angles de l'édifice allègent quelque peu son aspect extérieur. Celui du nord-est, attribué à Bayazid, est cannelé. Celui du sud-est, assigné à Mehmet Fatih, est polygonal, à facettes planes. Les deux minarets de l'ouest, érigés par Sélim II, sont polygonaux, à nervures saillantes sur les arêtes. La coupole, aujourd'hui surmontée d'un immense croissant, est soutenue par des murs dont les assises sont alternativement blanches et roses.
L'espace intérieur
L'intérieur de l'église, en revanche, est un chef-d'œuvre de légèreté. La lumière y pénètre de toutes parts par sept étages de baies. La base de la coupole, elle-même percée d'une couronne de 40 fenêtres, et flanquée à l'est et à l'ouest de deux demi-coupoles, est soutenue par quatre pendentifs, qui reposent sur des piliers massifs et permettent de passer du plan carré au plan circulaire. Cette coupole de brique de 31 m de diamètre et dont la clé est placée à 55 m du sol, prend appui sur quatre gigantesques piliers et sur les arcs de tête des deux demi-coupoles, par l'intermédiaire de quatre pendentifs imposant un plan circulaire au plan carré délimité par les quatre piliers ; au sol, le sanctuaire se présente intérieurement comme un rectangle de 77 m de long sur 71,20 m de large, partagé en trois travées. La nef centrale est surplombée à l'est et à l'ouest par deux demi-coupoles, dont celle placée à l'est crée une abside en cul-de-four, elle-même prolongée par une absidiole. Ces demi-coupoles, qui flanquent la coupole centrale, sont elles-mêmes flanquées de petites coupoles (une succession de voûtements en cascade que reprendront les architectes ottomans, et notamment Sinan, au xvie s.). Les travées latérales sont surmontées, ainsi que le double narthex permettant d'accéder à la nef, d'une galerie (gynécée) à colonnes de marbre vert.
Au fond de l'abside, le mihrab n'est pas exactement placé dans l'axe de la basilique, mais au contraire désaxé pour indiquer la direction de La Mecque.
Le décor
La riche décoration intérieure se signale par une luxuriante polychromie : marbres de couleurs et mosaïques à fond d'or ; les plus justement célèbres sont, entre autres, celles ornant le tympan de la porte ouvrant sur le narthex (la Madone trônant avec l'Enfant ; à ses côtés, Constantin Ier lui offre symboliquement la ville de Constantinople, tandis que Justinien lui présente une maquette de Sainte-Sophie), celle au-dessus du tympan de la Porte Royale (le Christ trônant), et, dans la tribune sud, une superbe Déisis. Les mosaïques ont été dégagées de l'enduit noir qui les recouvrait lorsque l'édifice était une mosquée. Période dont témoigne encore, dans cet édifice dont Mustapha Kemal fit un musée en 1934, quatre grand disques noir, accrochés à la hauteur de la première galerie, portant les calligraphies en or des noms d'Allah, de Mahomet, et des compagnons du Prophète, Abou Bakr, Othman, Hossein, Hassan, Ali et Omar.