shaker

Membre d'une secte quaker dissidente, la Société unie des Croyants en la Seconde Venue du Christ (United Society of Believers in Christ's Second Coming), ou Église du Millenium, fondée en Angleterre en 1747 par James et Jane Wardley, et qui se proclamaient eux-mêmes les « Shaking Quakers », à cause des mouvements saccadés dont ils étaient animés dans l'enthousiasme de leur ferveur religieuse.

En 1758, Ann Lee (Manchester 1736-Watervliet, New York, 1784), fille d'un modeste forgeron de Manchester, se joignit à eux. Pratiquement illettrée, mais douée d'un charisme exceptionnel, ce fut elle qui allait assurer la continuité de la secte. Bientôt, elle prétendit être dirigée par des révélations et des visions et fut reconnue comme inspirée par Dieu par les membres de son groupe, dont elle devint le chef spirituel. En 1772, elle fut arrêtée avec trois autres membres de sa secte pour avoir troublé le service religieux à l'église anglicane. C'est durant son séjour en prison qu'elle eut la vision d'une société utopique et fraternelle dans le Nouveau Monde. En 1774, Ann Lee et huit de ses disciples qu'elle avait persuadés d'émigrer en Amérique, fondèrent une colonie à Niskeuna (aujourd'hui Watervliet, État de New York). Les premières années de la communauté furent pénibles, et ce n'est qu'à partir de 1780 qu'elle commença vraiment à attirer de nouveaux adeptes. Dans les années suivantes, « Mère Ann » comme l'appelaient ses sectateurs, propagea sa doctrine d'un Dieu à la fois Père et Mère, et fonda des colonies de croyants à Harvard, Shirley et Hancock dans le Massachusetts, à Enfield, dans le Connecticut ainsi qu'à New Lebanon, dans l'État de New York. Les fondations se succédèrent ainsi et, vers 1850, le mouvement shaker à son apogée comptait près de 6 000 fidèles aux États-Unis.

Mus par une foi pétrie d'idéal de pauvreté, prônant l'égalité des sexes et des races et la communauté des biens, et d'un puritanisme inébranlable en matière sexuelle, les shakers constituaient des communautés mixtes de frères et sœurs voués au célibat. Animés par une philosophie qui rejetait du fond du cœur les valeurs du monde en général, les shakers n'entretenaient aucune relation avec les autres Églises. Chaque communauté était divisée en familles qui constituaient autant d'entités économiques propres, vivant en autarcie. Après avoir assuré leurs besoins quotidiens essentiels (habitations et granges, nourriture, vêtements, outils etc.), les shakers mettaient sur le marché les surplus de leurs diverses productions qui, en raison de leurs grandes qualités artisanales, de leur solidité et de leur simplicité rencontraient un très vif succès.

Il est significatif que le principal héritage légué par les shakers au monde d'aujourd'hui repose, non pas dans leur croyance, ni dans leur vision d'une société égalitaire ou d'une vie communautaire d'inspiration divine, mais dans les objets et le mobilier remarquable que ces artisans ont créés. En effet, guidés par le principe que la beauté d'un objet doit résider exclusivement dans son utilité, les shakers bannissaient de leur artisanat tout élément non essentiel à sa fonction ; en particulier, leur mobilier, telles les fameuses chaises fabriquées dans la communauté de New Lebanon, a jeté les bases d'une esthétique nouvelle, anticipant de quelque 120 ans l'école du Bauhaus et les théories du fonctionnalisme (« form follows fonction »).Après avoir connu son apogée au XIXe siècle, l'Église des Shakers ne comporterait aujourd'hui plus qu'une centaine de membres et la plupart de ses anciennes colonies (Pleasant Hill, Kentucky ; Pittsfield, Massachusetts ; Canterbury, New Hampshire ; Sabbathday Lake, Maine), aujourd'hui restaurées, sont devenues des musées.