passereau
(ancien français passere, du latin passer, -eris, moineau)
Mot désignant collectivement tous les Oiseaux appartenant à l’ordre des Passériformes et dont l’exemple le mieux connu et le plus familier est le Moineau. L’ordre des Passériformes comprend plus de la moitié des espèces d’Oiseaux connues (5 040 sur 8 600) et présente une grande homogénéité dans la structure et les principales adaptations des espèces qui le composent.
Caractères généraux
Les deux caractères principaux des Passereaux, qui ont conditionné de nombreux aspects de leur biologie, sont leur aptitude à se percher et à chanter. Le premier leur a permis de coloniser arbres et forêts, et le second a entraîné l’apparition d’un véritable langage permettant une intercommunication sociale hautement élaborée. La plupart des petits Oiseaux familiers qui peuplent nos campagnes et nos jardins sont des Passereaux.
Le vol
L’extrême mobilité des Passereaux, qui se meuvent avec dextérité dans la forêt, n’est possible que grâce à une structure particulièrement bien adaptée aux mouvements rapides. La plupart des espèces sont petites ou moyennes, bien qu’il y ait toute une gradation de taille entre le minuscule Roitelet et le Grand Corbeau ; l’adaptation au vol atteint sa perfection grâce à la solidité et la cohésion du squelette central, qui contraste avec la souplesse et la mobilité du squelette périphérique (ailes et pattes). Un métabolisme très élevé confère à ces petits Oiseaux des possibilités de réaction instantanée à toutes les situations. Les déplacements aériens du Passereau entre les arbres et les branches ne sont possibles que grâce à de remarquables possibilités d’accélération, de décélération et de changements de direction, liés à la possibilité de modifier instantanément la surface portante de l’aile et son angle d’attaque (angle formé par le corps et l’axe de l’aile vue de profil). Les pattes possèdent quatre doigts, dont un dirigé vers l’arrière, et sont parfaitement adaptées pour serrer un objet de faible diamètre (petite branche, rameau, herbe), ainsi que des perchoirs artificiels, comme les fils électriques. Les muscles et les tendons impliqués dans l’action du serrage sont disposés de telle sorte que toute tendance de l’Oiseau à tomber en arrière accentue le serrage des pattes sur le perchoir.
La voix
L’organe de la voix est la syrinx, composée d’une chambre dé résonance (tympanum) et de membranes vibrantes élastiques contrôlées par cinq à neuf paires de muscles spécialisés qui ont pour fonction de modifier la tension et la position des membranes. La syrinx est située dans la région trachéo-bronchiale. C’est chez les Passereaux (sous-ordre des Oscines, ou Oiseaux chanteurs) qu’elle est le plus développée. La qualité de la voix varie beaucoup d’un groupe à l’autre et d’une espèce à l’autre ; mais c’est chez les Passereaux qu’on rencontre les chants les plus beaux et les plus diversifiés. De très nombreuses espèces sont capables d’imiter remarquablement le chant d’autres espèces (Étourneau, Hypolaïs, Rousserolle verderolle).
Le bec
Le bec, organe de préhension de la nourriture, est étroitement adapté au régime alimentaire et, en raison de la variété de ce dernier chez les Passereaux, il présente de nombreuses formes. Il est robuste et conique chez les granivores (Chardonnerets), fin et pointu chez les insectivores (Fauvettes), court mais large (en forme d’entonnoir quand il est ouvert) chez ceux qui chassent au vol (Hirondelles, Gobe-Mouches), long et courbe chez les Oiseaux qui mangent le nectar (Drépanidés), fort et en forme de crochet, comme celui des Rapaces, chez les Passereaux prédateurs (Pies grièches).
Mode de vie
Les Passereaux sont des Oiseaux terrestres, qui ont colonisé tous les habitats, même ceux qui paraissent inhospitaliers pour d’aussi petits Vertébrés à sang chaud, comme le grand désert ou les régions arctiques. Certaines familles (Alouettes, Traquets) ont évolué dans les régions désertiques et arides d’Afrique et d’Asie. Mais le milieu de prédilection de la plupart des Passereaux est la forêt. Quelques-uns habitent le voisinage de l’eau douce (Rousserolles), et une seule espèce, le Cincle plongeur, cherche sa nourriture dans l’eau. Nombreux sont ceux qui se sont secondairement adaptés aux milieux artificiels (champs, cultures, habitations), et certains sont devenus franchement anthropophiles. C’est le cas bien connu du Moineau domestique, qui, en profitant largement de l’Homme, l’a suivi à peu près partout et est devenu l’une des espèces les plus abondantes du globe. Les différentes espèces qui peuplent le même genre de paysage se partagent les ressources, notamment l’espace et la nourriture, selon un protocole rigoureux qui permet une utilisation rationnelle et efficace de l’énergie disponible.
Deux espèces n’ont jamais exactement le même régime alimentaire, ni le même mode de nidification, ni le même biotope. On trouve des Passereaux adaptés à manger au sol, d’autres dans les buissons, d’autres dans la frondaison des grands arbres, d’autres sur les troncs, d’autres enfin dans l’espace situé entre les arbres. La même diversité se retrouve dans le type de proies consommées et dans le comportement de chasse. Dans une forêt de Chênes, par exemple, les Merles se nourrissent au sol, où ils grattent la terre et les feuilles mortes pour chercher des Vers ou des Mollusques ; les Fauvettes seront observées dans les buissons bas, où elles capturent les Insectes du feuillage ; les différentes Mésanges se promèneront à mi-hauteur des arbres (Mésange charbonnière) ou un peu plus haut (Mésange bleue), et quelques espèces, comme le Loriot, ne quitteront guère la partie supérieure de la couronne des grands arbres. Quant aux troncs, ils seront explorés minutieusement par certaines espèces, comme les Grimpereaux ou la Sittelle, qui prélèveront dans les fentes de l’écorce les Insectes dont ils se nourrissent.
Reproduction
Les nids
C’est chez les Passereaux que l’on trouve les nids les plus finement construits. La diversité des types architecturaux est extraordinaire : nids ouverts en forme de coupe, bâtis dans les buissons (Fauvettes) ou incrustés dans le sol (Alouettes) ; nids fermés en forme de boule (Troglodytes) ; nids construits dans des cavités (Traquets) ; nids creusés dans le sol ou même la roche tendre (Hirondelles de rivage) ; nids faits en maçonnerie à l’aide de boue humectée, dont la cohésion au séchage sera assurée par la salive de l’Oiseau, qui fera office de colle (Hirondelles de cheminée) ; etc.
Le cycle reproductif
La reproduction a généralement lieu à une saison fixe de l’année, le printemps sous nos latitudes. Le cycle de la reproduction comporte six phases, qui se succèdent dans un ordre rigoureux :
1. la recherche du partenaire sexuel ;
2. la période des pariades et de l’accouplement ;
3. la construction du nid ;
4. la ponte ;
5. l’incubation ;
6. l’élevage des jeunes.
C’est généralement le mâle qui occupe le premier le canton qu’habitera la future famille et qui le défendra avec acharnement contre d’éventuels rivaux. La facilité avec laquelle il trouvera une femelle et la fixera sur son canton dépendra de sa combativité et de la qualité de son territoire. Son chant a alors deux fonctions essentielles : celle d’attirer la femelle et celle d’avertir d’éventuels rivaux que la place est déjà prise. Lorsque le mâle a trouvé une femelle, il la « prépare » à l’acte de la reproduction au moyen de comportements très élaborés, les parades nuptiales, au cours desquelles les particularités et les parties les plus colorées du plumage sont exhibées. Toutes sortes de mouvements complexes et d’émissions vocales accompagnent la parade et ont pour but de soumettre et d’attirer la femelle. Les accouplements ont lieu au paroxysme de l’excitation des deux partenaires, et peu après commence la phase de construction du nid. Celui-ci est le plus souvent construit par les deux sexes, mais, chez plusieurs espèces (Troglodytes, Fauvettes), le mâle construit seul plusieurs ébauches, et la femelle en choisira une, qu’elle terminera, aidée de son conjoint. Le nombre d’œufs est variable suivant les espèces : de deux ou trois à une quinzaine. Ils sont généralement pondus à raison d’un par jour, et l’incubation, assurée à tour de rôle par les deux conjoints, commence lorsque le dernier œuf est pondu.
L'élevage des jeunes
Tous les Passereaux sont nidicoles, c’est-à-dire restent au nid jusqu’à ce qu’ils soient en mesure de subvenir seuls à leurs besoins. Chez la plupart des espèces, les deux parents participent au ravitaillement, et le mâle y prend parfois une part plus active que la femelle, surtout en début d’élevage, afin de permettre à cette dernière de se reconstituer après l’effort considérable qu’a nécessité pour elle l’élaboration des œufs. Mais, chez certaines espèces, les mâles sont polygames (Troglodytes), et la femelle seule s’occupe de la nichée. Le danger principal qui menace en permanence la nichée est la prédation. De 20 à 50 p. 100 des nichées sont détruites par les prédateurs (petits Mammifères, Oiseaux, Reptiles), et toutes sortes de dispositifs de sécurité ont été progressivement acquis pour réduire au minimum le risque de prédation. Parmi ceux-ci, il faut citer :
— La dissimulation du nid (la plupart des nids de Passereaux sont admirablement cachés et sont très difficiles à découvrir, certains ayant un haut degré de mimétisme avec le substrat) ;
— L’hygiène du nid (chez de très nombreuses espèces, les fientes des jeunes sont emballées dans une membrane ; l’adulte « cueille » la fiente à la sortie du cloaque après avoir invité le jeune à déféquer, puis l’emporte au loin ; certains nids sont si soigneusement entretenus qu’après l’envol des jeunes ils paraissent ne pas avoir servi) ;
— Le comportement de dissuasion des adultes (quand un prédateur s’approche du nid, les parents cherchent à l’entraîner dans une direction opposée à celle du nid, en feignant d’être blessés et en poussant les cris déchirants d’un oiseau en détresse).
Problèmes liés aux saisons
Le déclenchement proprement dit de la reproduction est provoqué par la conjonction de facteurs propres à l’Oiseau (maturation des glandes sexuelles sous contrôle endocrinien) et de facteurs propres au milieu (allongement de la durée du jour, augmentation de la température, éclosion printanière de la végétation et des Insectes). Dans les régions arides et désertiques, les pluies jouent un rôle considérable. Pour chaque espèce, le déclenchement du cycle de la reproduction a lieu au moment le plus favorable, pour que les jeunes, une fois émancipés, aient une nourriture abondante et aisément accessible. C’est en effet lorsqu’ils sortent du nid et que leurs parents ne s’occupent plus d’eux que les jeunes Passereaux sont le plus vulnérables aux facteurs de mortalité en raison de leur inexpérience. Chaque année, plus de la moitié des jeunes de la nouvelle génération seront morts avant l’hiver. Tous les Passereaux remplacent une ponte ou une nichée accidentellement détruite, et la plupart élèvent deux nichées par an, parfois trois ; pour chacune d’elles, ils construisent un nouveau nid. C’est généralement juste après la saison de reproduction et parfois un peu avant son terme que l’Oiseau effectue la mue de son plumage. La totalité des plumes sont alors renouvelées, et cette phase cruciale et grande consommatrice d’énergie a lieu à la fin de l’été, quand la nourriture est encore abondante et la température ambiante clémente. Il faudra impérativement que la mue soit terminée avant le départ en migration, afin que l’Oiseau soit en possession de toutes ses capacités de vol pour cette redoutable épreuve. Certaines espèces n’ont pas le temps de muer avant la migration et retardent cette opération jusqu’à leur arrivée dans leurs quartiers d’hiver (certaines Fauvettes). Une mue partielle a lieu au printemps chez beaucoup de Passereaux ; elle pare l’adulte de son plumage « de noces », grâce auquel il pourra effectuer efficacement ses parades nuptiales.
Migrations
Pour maintenir constante leur température interne, qui est de l’ordre de 41 à 42 °C, les petits Oiseaux ont un impérieux besoin d’une nourriture abondante et aisément accessible. Ceux qui sont étroitement adaptés à manger des Insectes ne pourraient pas survivre s’ils ne quittaient pas leur patrie à la saison écologiquement défavorable, qui est l’hiver boréal sous nos latitudes, les saisons sèches dans les régions tropicales et l’hiver austral dans les régions tempérées de l’hémisphère Sud. Les Passereaux de la grande forêt ombrophile équatoriale sont strictement sédentaires, en raison d’un climat constant, qui permet une productivité biologique à peu près égale à elle-même tout au long du cycle annuel. Cependant, de nombreuses espèces de nos régions sont également sédentaires ou n’effectuent que des mouvements de faible amplitude. C’est le cas principalement des Oiseaux granivores (Pinsons, Chardonnerets) ou de ceux qui ont la possibilité de moduler leur régime au rythme des saisons de façon à passer d’un type de nourriture à l’autre en fonction des disponibilités du moment (Grives, Mésanges). Certaines espèces alpines sont transhumantes ; elles nichent en été à haute altitude dans les Alpes ou les Pyrénées et « glissent » dans les vallées ou les reliefs méditerranéens quand la neige et le gel rendent impossible leur alimentation dans leur aire de nidification (Tichodromes, Accenteurs alpins).
Vie sociale
À la saison de reproduction, la plupart des Passereaux sont farouchement territoriaux, chaque famille se réservant pour son propre compte une portion de l’espace à l’intérieur de laquelle elle ne tolère aucun étranger de la même espèce. Les dimensions du territoire varient avec chaque espèce et, pour la même espèce, avec la richesse alimentaire du milieu et la structure de la population. En effet, les vieux adultes accaparent les meilleures places, ont des territoires plus grands que les jeunes et évincent purement et simplement ces derniers quand la densité de la population est supérieure à ce que le milieu peut accueillir. Par fortes densités, le territoire de chaque couple peut se comprimer dans une certaine mesure sous l’effet de la pression de population, mais il n’est pas indéfiniment compressible, et il arrive un moment où la pression de compétition pour l’espace devient telle qu’une partie des individus doit émigrer et chercher fortune ailleurs. Chez la plupart des Passereaux forestiers, la surface du territoire varie de quelques ares à 1 ha. Certaines espèces sont coloniales, notamment parmi les granivores, et l’on a démontré qu’elles avaient avantage à adopter ce mode de vie sociale, parce qu’il présente des facilités pour la recherche de la nourriture. Cette dernière est souvent abondante, mais localisée, et la probabilité de sa découverte est plus grande quand davantage d’individus sont à sa recherche. On connaît en Afrique des colonies de Mange-Mil (Quelea) de plusieurs millions d’individus. Cette espèce, qui se nourrit de riz, est devenue un véritable fléau dans le Sahel, et les dégâts qu’elle occasionne à l’économie africaine se chiffrent par dizaines de millions d'euros. Mais, si la plupart des Passereaux sont solitaires à la saison de reproduction, parce que ce comportement est avantageux pour l’élevage de la nichée, leur intolérance sociale s’estompe dès que les jeunes se sont envolés, et beaucoup d’espèces deviennent même grégaires pour accomplir leurs migrations et passer le cap difficile de l’hivernage. Le grégarisme devient alors une fonction de survie importante : l’Oiseau se défend mieux contre les aléas de la migration quand il est en groupe que quand il est seul, et la cohésion du groupe est assurée, au cours des vols nocturnes, par des cris d’appel répétés à intervalles réguliers. La bande hivernale présente également de nombreux avantages : lutte plus efficace contre les prédateurs, stimulation sociale pour la recherche de la nourriture, lutte contre le froid au dortoir, etc.
Distribution
L’ordre des Passériformes est cosmopolite : il a des représentants partout, sauf dans les régions polaires et quelques îles reculées et inhospitalières. Sur le plan évolutif, il représente le phylum le plus évolué, qui, en nombre d’espèces, surclasse les autres, sauf dans la région néo-tropicale (Amérique du Sud). L’aire de distribution varie considérablement d’une espèce à l’autre : certaines espèces, comme le Moineau, sont très répandues sur des continents entiers, alors que d’autres sont confinées sur de toutes petites surfaces. On connaît des espèces endémiques dont l’aire couvre quelques hectares sur des îles (certaines Alouettes) et dont la population totale ne compte que quelques centaines, voire quelques dizaines de couples.
Mais, généralement, chaque famille est caractéristique de certaines régions et de certains types de milieu : les Gobe-Mouches (Muscicapidés) sont des Passereaux insectivores des milieux forestiers de la région paléarctique (Europe et Asie) ; les Parulidés sont les « Fauvettes américaines » insectivores des milieux boisés de l’Amérique du Nord ; les Alaudidés (Alouettes) sont essentiellement des Passereaux insectivores et granivores des régions arides ou semi-arides de l’Ancien Monde (Eurasie, Afrique) ; etc.
Systématique
La diversification adaptative des Passereaux a été tellement rapide et de nombreux groupes sont si voisins les uns des autres que la séquence systématique est très difficile à établir. De plus, la ressemblance des modes de vie de nombreuses espèces a entraîné des convergences de forme et de structure qui rendent en apparence très voisines des espèces qui, en réalité, sont issues de souches dont la parenté est très lointaine. Mis à part les Alouettes et les Hirondelles, aucune famille ne peut être définie de façon univoque à partir des seuls caractères anatomiques et morphologiques, et de nombreuses controverses subsistent encore parmi les systématiciens quant aux relations phylétiques exactes de certains groupes. On s’accorde, toutefois, pour distinguer dans l’ordre des Passériformes 56 familles et plus de 5 000 espèces selon la forme du bec, les pattes, les ailes, le plumage, etc.