e
Cinquième lettre de l'alphabet français, servant à noter plusieurs sons vocaliques distincts : le e fermé [e], comme dans bonté, assez, qui porte souvent l'accent aigu, le e ouvert [ɛ], comme dans succès, revêche, pelle, qui peut porter l'accent grave ou l'accent circonflexe, le e latent ou muet [ə], comme dans premier, mais qui souvent ne se prononce pas (colle, soierie).
La lettre E est l'epsilon grec, lui-même emprunté à l'alphabet phénicien : c'est le hé, qui servait à noter une consonne pharyngale. L'origine de cette lettre est obscure : on l'a rattachée à un hiéroglyphe qui, dans ses formes hiératiques, présente avec elle des analogies frappantes. Il faut noter aussi que l'alphabet ougaritique possède pour le h un signe très voisin. L'étrusque, les langues italiques et le latin ont emprunté leur E au grec occidental. L'E archaïque latin a reçu au iiie s. avant J.-C. sa forme classique, notamment par l'adjonction d'empattements à l'extrémité des traits. Les formes peintes et les formes livresques, écrites au calame, les ignorent. La minuscule primitive, ou semi-onciale, et l'onciale classique sont les ancêtres directs de la minuscule caroline. La lettre ne subira pendant l'époque médiévale que des modifications insignifiantes.
Phonétique. La lettre E sert à noter :
1° [ə] latent (ou muet), dont la chute et le maintien dans la prononciation dépendent de multiples facteurs ;
2° avec ou sans accent aigu, [e] fermé dans épée, élégant, nez, pied, clef, chanter, etc. ;
3° avec ou sans accent grave, ou avec l'accent circonflexe, [ɛ] ouvert dans père, fier, tête, etc. — [e] et [ɛ] sont des voyelles antérieures non labialisées qui se distinguent entre elles par leur degré d'aperture (fermé vs ouvert). L'articulation de [ə] (premier, crevette, je ne sais pas), qui est plus centrale que pour [e] et [ɛ], tend à se rapprocher de celle de [ø] (deux, jeûne), mais elle se distingue de cette dernière par un arrondissement labial moins prononcé.
En règle générale, la distribution des voyelles [e] et [ɛ] est conforme à la loi dite de position, suivant laquelle on réalise un timbre fermé en syllabe ouverte et un timbre ouvert en syllabe fermée : par exemple ces vs sel, fée vs fête, né vs nerf, etc. Toutefois, on rencontre [ɛ] en syllabe ouverte avec les graphies « et » (bonnet), « êt » (forêt), « ès » (procès), « ai » (balai), « aid » (laid), « ais » (frais), « aix » (paix), « ait », « aient » (il avait, ils avaient). Il en résulte la pratique dans la langue d'oppositions comme : épée ~ épais, poignée ~ poignet, gré ~ grès, foré ~ forêt, etc. Cependant, ces oppositions sont instables, et leur rendement fonctionnel demeure limité. La distinction entre les formes du passé simple (je mangeai, [e]) et de l'imparfait (je mangeais, [ɛ]) ou du futur (j'irai, [e]) et du conditionnel (j'irais, [ɛ]) est en voie de disparition. En français parisien, toutes les terminaisons verbales en -ai ont en effet tendance à passer depuis peu à [ɛ].
Phonétique historique. [ə] provient normalement de [a] atone posttonique du latin ou du francique (terra > terre, werra > guerre), ou d'une voyelle atone prétonique (caballum > cheval, fenestra > fenêtre, primarium > premier, juniperum > genièvre). [ə] peut également apparaître ou se maintenir comme voyelle d'appui dans la prononciation d'un groupe consonantique : patrem, devenu père, a conservé un [ə] final avant la réduction du groupe « tr ». [e] et [ɛ] proviennent fréquemment du [a] tonique libre : pratum > pré, mare > mer. Un [e] initial s'est parfois développé devant certains groupes de consonnes (é prothétique) : stabulum, scribere ont donné « estable », « escrire », puis « étable », « écrire ». ê provient normalement du groupe es : festa et testa sont devenus « fête » et « tête ». ei est l'aboutissement de processus phonétiques divers et complexes. Il en est de même pour eu, œu, œ, ue et ie.