conjuration des Égaux (1796-1797)
Conspiration contre le Directoire dirigée par Babeuf.
1. L'« égalité parfaite »
Babeuf, qui se prononce dès 1786 pour l'« égalité parfaite » en matière sociale, a été directement mêlé aux événements révolutionnaires. Dans le Manifeste des Égaux, publié le 9 frimaire an IV (30 novembre 1795), il affirme que le but de la société est le « bonheur commun », l'« égalité des jouissances ». Pour lui, la propriété privée, suscitant l'inégalité, doit être supprimée et remplacée par la « communauté des biens et des travaux ». Ses idées sont popularisées par son journal, le Tribun du peuple, et gagnent rapidement la majorité du Club du Panthéon, constitué en novembre 1795 et peu après présidé par Buonarroti.
2. Le Comité insurrectionnel
Durant l'hiver 1795-1796, l'idée d'une conjuration se précise chez les babouvistes (Babeuf, Antonelle, Darthé, Debon, Félix Lepeletier), rejoints par d'anciens jacobins démocrates de l'an II (Amar, Drouet, Lindet). En effet, la situation sociale et politique s'aggrave de jour en jour (la famine règne dans les quartiers ouvriers des grandes villes, le danger royaliste se fait pressant et le Directoire est impuissant devant ces problèmes). D'autre part, toute possibilité d'action légale est désormais interdite aux babouvistes (Babeuf, décrété d'arrestation pour ses articles du Tribun du peuple, est recherché par la police depuis décembre 1795, et le Club du Panthéon est fermé par les autorités depuis février 1796).
Le 10 germinal an IV (30 mars 1796) se constitue un Comité insurrectionnel avec Babeuf, Antonelle, Buonarroti, Darthé, Lepeletier et Maréchal. Cet organisme a des agents de liaison avec l'armée (Germain et Grisel) et avec les anciens sectionnaires parisiens (Didier). Il compte sur les démocrates de l'an II et sur les abonnés au Tribun du peuple, qui ne sont cependant pas encore mis dans le secret. Grâce à ces appuis, les conjurés pensent pouvoir entraîner les masses populaires afin de prendre le pouvoir et d'instaurer une dictature révolutionnaire provisoire préparant l'« administration des choses ».
3. Arrestation, condamnation et exécution des conjurés
Mais le Directoire, informé par l'agent double Grisel, fait arrêter les conjurés le 21 floréal an IV (10 mai 1796). Quatre mois plus tard, en liaison avec la conjuration, une tentative de soulèvement du camp de Grenelle échoue durant la nuit du 23 au 24 fructidor (9-10 septembre 1796) : 131 personnes sont arrêtées et 30 fusillées.
Sous l'influence de Lazare Carnot, et malgré les réticences d'autres directeurs, comme Barras et Sieyès, le procès des Égaux s'ouvre le 20 février 1797 et dure trois mois. Babeuf et Darthé sont condamnés à mort et exécutés le 7 prairial an V (27 mai 1797).
4. Prospérité du babouvisme en Europe
Avec la conjuration des Égaux, pour la première fois en Europe, le communisme a cessé d'être une simple construction théorique et est devenu un mouvement politique. Après une éclipse d'une trentaine d'années, le babouvisme se répand parmi les républicains à la suite de la publication de l'ouvrage de Buonarroti Conspiration pour l'égalité, dite de Babeuf (1828). L'idée d'une dictature révolutionnaire provisoire est en particulier reprise par Blanqui.
L'influence blanquiste et l'analyse de Marx, au sein de l'Association internationale des travailleurs (AIT, future Iere Internationale), de la Commune de Paris (la Guerre civile en France, 1871) jouent un rôle important dans l'élaboration de la théorie léniniste de la dictature du prolétariat.
Pour en savoir plus, voir les articles babouvisme, communisme, Révolution française