bonheur
(de bon et heur)
État de complète satisfaction, de plénitude.
Bonheur et raison
En affirmant que le but dernier de l'homme est d'être heureux, les doctrines eudémonistes semblent s'accorder avec l'opinion commune pour en différer aussitôt. En effet, pour sortir du subjectivisme absolu de la notion, il leur faut déterminer quel est ce bien du bonheur, et quels moyens permettent cette fin : pour toutes ces morales est bonne la vie conforme à la raison ; elle est heureuse parce que vertueuse. Cette disjonction progressive de l'âme et du corps s'exerce aux dépens des formes concrètes du bonheur vécu et, dira Nietzsche, se retourne contre la vie elle-même.
En affirmant que le bonheur n'est pas dans ce monde, le christianisme invite l'homme à travailler pour le salut de son âme par-delà la mort, pour le seul bonheur céleste.
Pour Kant, le bonheur est un concept indéterminé, entièrement subjectif : c'est un idéal de l'imagination et non de la raison. Il ne peut fonder une morale rationnelle ; celle-ci ne nous enseigne pas « comment nous devons nous rendre heureux, mais comment nous devons nous rendre dignes du bonheur ». Cette perfection n'inclut-elle pas que nous devons agir pour le bonheur des autres ?
L'idéologie du bonheur
La dimension sociopolitique du bonheur s'énonce avec Saint-Just : « Le bonheur en Europe est une idée neuve ». Il indique par là qu'une société doit assurer à ses membres d'égales conditions d'accès à leur accomplissement subjectif. S'adressant à son contenu subjectif comme conditionnement de l'imaginaire, les stratégies publiques et publicitaires des sociétés contemporaines font jouer à la notion de bonheur une fonction idéologique : offensive de mythes et d'images toutes faites dans laquelle s'indéterminent les problèmes réels, c'est-à-dire les conditions objectives nécessaires à sa possibilité.