bateau
(anglo-normand bat, bateau)
Nom générique des embarcations susceptibles de naviguer sur les voies intérieures ou en mer.
L'histoire de la marine traverse les étapes liées aux inventions techniques, aux recherches scientifiques et aux révolutions industrielles : du radeau à la voile, de l'hélice au moteur à énergie nucléaire, des charpentiers à la robotique, de la boussole à l'électronique de bord. Cette évolution constante s'accompagne d'une charge symbolique permanente qui fait du vaisseau le support de toutes les aventures, personnelles ou collectives, périple d'Ulysse ou odyssée de l'espace.
Les découvertes de la notion de flottaison, de la poussée d'Archimède, de la propulsion éolienne, puis l'invention de la motorisation ont permis la création de volumes flottants de plus en plus gros pouvant voyager chaque fois plus loin tout en réduisant le temps de transport. L'homme est ainsi passé du simple radeau de roseaux pour son propre transport aux puissants navires pesant plusieurs centaines de milliers de tonnes.
Les premiers bateaux
Les outils et les matériaux disponibles, l'environnement ou encore les besoins des pêcheurs ou des commerçants sont autant de facteurs qui eurent une importance cruciale dans la conception des bateaux. Il semble que les premiers d'entre eux consistaient en de simples troncs d'arbres évidés (pirogues). De par le monde, bon nombre de peuples (en Afrique, en Amazonie) ont encore recours à ce type d'embarcations, parfois dotées de voiles et d'un balancier (barre de bois parallèle au flanc du bateau et reliée à la mâture par des barres transversales). Le canot à voiles malais en est un exemple caractéristique. On trouve également des embarcations faites d'un assemblage de ballots d'herbes ou de roseaux. Elles ont été utilisées en Sardaigne, en Inde, en Égypte, au Mexique, sur le lac Titicaca (entre le Pérou et la Bolivie) et en Californie, par les premiers habitants de l'Amérique du Nord. Le kayak esquimau ou le curragh irlandais, faits de peaux de bêtes tendues sur un cadre de bois, sont deux autres exemples d'embarcations primitives dont certaines existent encore de nos jours. Le canoë dit du Maine (États-Unis), fait d'une bâche peinte tendue sur des rameaux d'épinette, apparut dans la dernière décennie du xixe s. Il reprenait le modèle du canoë des Indiens de l'Amérique du Nord, fabriqué avec des écorces de bouleau cousues sur un cadre de bois.
Les habitants des îles du Pacifique équipaient leurs bateaux de voiles faites de nattes d'écorce ou de bois tressé, et calfataient l'ensemble avec la sève extraite de l'arbre à pain. À bord de ces embarcations, ils parcoururent des milliers de kilomètres en mer. Ils apprirent à naviguer en utilisant les courants marins, en observant les phénomènes atmosphériques (la présence de nuages sur des îles éloignées, par exemple), et en se repérant par rapport aux étoiles. Les Polynésiens et les Micronésiens naviguaient à bord de bateaux multicoques, propulsés à l'aviron ou à la voile et qui pouvaient atteindre une vitesse de 20 nœuds (37 km/h). Quant aux nombreuses embarcations tahitiennes, elles pouvaient mesurer plus de 20 m de long : la taille d'un croiseur moderne ! L'un de ces canoës que James Cook eut l'occasion d'observer à Tahiti, en 1769, dépassait en longueur l'Endeavour, son propre navire.
Des sculptures de l'Égypte ancienne montrent que les blocs de pierre qui servirent à la construction des pyramides furent transportés par voie fluviale ou maritime ; des peintures murales représentent des bateaux propulsés à l'aviron ou à la voile. Dès 3000 avant J.-C., des marins égyptiens atteignirent les côtes crétoises au terme d'un voyage de près de 1 000 km ; pour compenser l'insuffisance de leurs propres ressources en bois, ils ramenaient du cèdre, avec lequel ils construisaient de nouvelles embarcations. La navigation égyptienne se développa avec l'emploi de la toile tissée pour la voilure et de cordages torsadés pour manœuvrer les voiles ; il y a d'ailleurs une ressemblance frappante entre les cordages actuels en Nylon, trois brins auxquels on imprime une torsion de droite à gauche, et ceux en corde qu'utilisaient les Égyptiens voici plusieurs millénaires. Les Crétois et les Phéniciens ont laissé en comparaison peu de traces tangibles de leurs modes de navigation. Mais les longs et difficiles voyages qu'ils entreprirent laissent supposer une grande maîtrise de l'art de la navigation et de la construction navale.
Dans le nord de l'Europe, la navigation devait se développer selon des voies bien différentes. Les Scandinaves construisaient des nydams (longues barques conçues à partir de troncs d'arbres évidés). Un de ces bateaux aujourd'hui conservé à Kiel, en Allemagne, mesure environ 25 m de long. Les planches de sa coque, assemblées à clin, se chevauchent à la manière des tuiles sur un toit (sur les caravelles des grandes découvertes, en revanche, on ajustait les planches bord à bord). Le nydam, dépourvu de voilure, disposait de 14 paires de rames et d'un gouvernail. On a pu dater sa construction entre 69 et 217 après J.-C. grâce à des pièces de monnaie trouvées à proximité du navire. En fait, les Scandinaves n'employèrent les voiles qu'à partir du viie s. Mais dès le ve s., les Jutes, les Angles et les Saxons traversaient la mer du Nord, mettant le cap sur l'Angleterre. Cependant, plusieurs siècles devaient encore s'écouler avant que les Vikings n'entreprennent la traversée de l'océan Atlantique en direction de l'Islande, du Groenland et de l'Amérique, sur leurs knörr, improprement nommés drakkars, bateaux non pontés, équipés de voiles de laine tissée. Ainsi, quels que soient les sociétés et le degré d'élaboration de leurs navires, c'est bien la voile et la maîtrise des vents qui permirent les plus grandes expéditions et la conquête du monde.
Des voiliers aux steamers
Les voiliers primitifs étaient de simples radeaux munis d'un mât qui permettait de hisser une voile carrée. Ainsi, l'explorateur norvégien Thor Heyerdahl et ses compagnons utilisèrent une réplique en balsa d'une de ces premières embarcations, le Kon Tiki, pour traverser le Pacifique du Sud-Est, du Pérou à l'Océanie, en 1947. La plus ancienne embarcation connue fut construite à l'occasion des funérailles du pharaon Khéops (IVe millénaire avant J.-C.). On la découvrit enfouie dans une tranchée, non loin de la tombe du souverain égyptien. Ce voilier, dépourvu de pont, mesure 40 m de long sur 8 m de large. Sa coque comporte 600 lattes de bois, la plus longue atteignant 23 m. Il ne servit probablement que pour la cérémonie funéraire et n'affronta jamais la mer ou les eaux du Nil. Toutefois, grâce à des peintures et à des sculptures découvertes sur les parois d'abris naturels, on peut supposer que l'ancienne Égypte employait de semblables embarcations pour commercer en Méditerranée. Les mêmes sources indiquent que les Égyptiens mettaient à profit le vent pour alléger le travail des esclaves rameurs (peut-être 30 par bateau). En effet, leurs navires étaient dotés d'une voile rectangulaire, hissée sur un mât central. On dirigeait le vaisseau au moyen d'une rame-gouvernail très large, placée sur l'arrière tribord.
Les navires phéniciens, grecs et romains
De 1000 à 250 avant J.-C., les Phéniciens dominèrent la Méditerranée. Ils améliorèrent le modèle des navires égyptiens et bâtirent des galères de commerce d'environ 30 m de long, ainsi que de grands vaisseaux qui les conduisirent par le détroit de Gibraltar jusqu'aux îles Sorlingues et même, selon Hérodote, jusqu'à l'océan Indien, par le cap de Bonne-Espérance. Les Grecs construisirent des navires similaires, et utilisèrent largement la navigation à voile. À cette époque, les principes de base de la construction des coques étaient déjà maîtrisés. La charpente comprenait une quille se terminant en étrave à l'avant et en étambot à l'arrière et des membrures auxquelles étaient fixés les bordages, ces derniers étaient assemblés à clin ou bord à bord (cette disposition se généralisa par la suite). L'étanchéité de l'ensemble était assurée par une couche de poix, renouvelée régulièrement. Les rivets de fer vinrent bientôt remplacer les coins de bois qui conféraient à la charpente sa cohérence. À l'exception de l'emploi des membrures de renforcement longitudinales, les techniques de construction navale évoluèrent peu jusqu'à l'apparition du métal comme matériau de structure des charpentes. Des fresques tombales, datant de 450 avant J.-C., retrouvées près de Rome, ont montré que la capacité des galères de l'époque fut considérablement augmentée par l'adjonction de superstructures installées sur le pont supérieur. Il semble également que la pose d'un second mât gréé remonte à la même époque.
Du fait de leur grande largeur, les navires marchands étaient couramment appelés « bateaux ronds ». Les Grecs les agrandirent tandis que les Romains les couvrirent d'un pont partiel destiné à protéger des embruns les passagers et l'équipage. Ces derniers savaient également régler la position des voiles pour mieux utiliser les vents de la Méditerranée.
Les navires de Chine et du Moyen-Orient
C'est en Extrême-Orient que naquit la jonque, inventée par les Chinois. La coque consistait en deux canoës solidarisés au moyen de planches et recouverts d'un lattage complexe. L'ensemble présentait de la sorte un fond plat, dépourvu de quille. La jonque s'ornait d'une proue (l'avant) cunéiforme, et sa poupe (l'arrière) était conçue de façon à éviter les embruns, même sur une mer agitée. Enfin, une construction étanche protégeait la rame-gouvernail. La jonque chinoise était particulièrement bien adaptée aux conditions de navigation dans les eaux asiatiques. Les Chinois utilisèrent des voiles orientables dès 250 avant J.-C. Ils furent également les inventeurs du gouvernail d'étambot. Par la suite, ils entreprirent de ponter leurs embarcations et les compartimentèrent au moyen de cloisons transversales.
Marco Polo décrivit ainsi une jonque comportant plus de 50 cabines. Ces navires chinois ne le cédaient en rien aux voiliers que l'on construisit par la suite aux xviiie et xixe s. en Occident, en particulier pour ce qui concerne la voilure. Les Chinois y apportèrent de considérables améliorations, inventant notamment des voiles lattées qui pouvaient être réduites ou augmentées selon le vent. Les jonques, à l'instar des voiliers modernes, autorisaient la navigation contre le vent. Les Japonais, les Javanais et les autres peuples asiatiques créèrent leurs propres formes de jonque. Tous les modèles étaient de loin supérieurs aux vaisseaux occidentaux construits avant le xviiie s. Ils offraient une excellente tenue en mer et leur voilure permettait une meilleure utilisation des vents. Des jonques, ainsi que la variante réduite, le sampan, parfois doté d'un moteur auxiliaire, servent encore au transport de passagers le long des côtes chinoises, sur le Yangzijiang et dans tout l'Orient.
Les Arabes, les Perses et les Indiens inventèrent une voile triangulaire (dite latine) particulièrement bien adaptée au régime des vents des moussons du nord-est. Les dhows modernes, gréés avec une voile latine, ressemblent probablement à ceux qui sillonnaient la mer Rouge, le golfe Persique ou l'océan Indien voici 2 000 ans.
La felouque égyptienne, très utilisée sur le Nil, constitue l'une des variantes de ces embarcations. Si la manœuvre des voiles latines se révèle difficile – il faut les baisser puis les hisser de nouveau à chaque changement de bord –, la stabilité des vents au Moyen-Orient compense ce handicap.
Les premiers vaisseaux européens
Le viie s. inaugura en Occident une nouvelle approche de la conception des voiliers. Des restes de navires trouvés en 1863 à Flensburg, dans le Schleswig-Holstein, et, plus récemment, au cimetière de navires de Sutton Hoo en Angleterre, ont fourni de précieux renseignements sur les drakkars vikings. Ceux-ci avaient une longue coque étroite de faible tirant d'eau qui facilitait leur mise au sec sur le rivage. Ils étaient propulsés par des rameurs ou au moyen d'une voile carrée de grande taille. On découvrit également, en 1880, au cimetière de navires de Gokstad en Norvège, les restes d'un drakkar du viiie s., mesurant quelque 25 m de long. De silhouette élégante, les navires de cette époque portaient une figure de proue sculptée. Les flancs bâbord et tribord présentaient chacun seize ouvertures pour les rames. Les marins hissaient sur un mât central une large voile carrée, décorée de divers motifs peints. À en juger par la Tapisserie de Bayeux, les vaisseaux que Guillaume le Conquérant utilisa pour envahir l'Angleterre en 1066 s'apparentaient aux drakkars. Ils comportaient toutefois des gaillards (en proue et en poupe) depuis lesquels les archers décochaient leurs flèches sur les navires ennemis avant l'abordage. Enfin, un pont partiel protégeait les occupants. Durant cette période, la voile prit l'avantage sur la rame. En Occident, le gouvernail d'étambot, inventé au xiie s., facilita les manœuvres des navires.
Les marins apprirent, en outre, à naviguer plus près du vent en modifiant le réglage de la voilure. Les gréements devinrent plus complexes et le nombre des voiles augmenta. En effet, l'équipage d'un navire manœuvrait plus facilement un ensemble de petites voiles qu'une seule surface de grande taille.
Au xiiie s., les Européens recoururent principalement à la nef pour le commerce dans l'hémisphère Nord. Ce large vaisseau de fort tirant d'eau offrait une capacité considérable pour le transport des marchandises. Sur les eaux plus calmes de la Méditerranée apparut la caravelle. Doté de deux ponts, cet élégant navire fut d'abord gréé en deux mâts à voiles latines, puis en trois mâts.
Les navires des grandes découvertes
Les grandes découvertes des xve et xvie s., qui rendirent célèbres Bartolomeu Dias, Fernand de Magellan, Christophe Colomb ou Vasco de Gama, sont étroitement associées aux caravelles. Malheureusement, aucun de ces navires n'a été conservé ; seule existe, à Barcelone, une réplique grandeur nature de la Santa María de Christophe Colomb : on ne peut qu'admirer le courage de ces anciens navigateurs, qui furent capables de tels exploits avec des navires aussi fragiles.
La découverte de nouvelles routes maritimes (de l'Europe à l'Extrême-Orient par le cap de Bonne-Espérance, ou vers le Nouveau Monde par l'Atlantique) se traduisit par un développement considérable du commerce. Pour répondre aux nouvelles demandes, il fallut construire des vaisseaux de plus grande capacité. Les Espagnols montrèrent l'exemple avec la construction des caraques, jaugeant jusqu'à 1 660 t, et des galions, similaires aux précédents mais dotés de trois ponts et d'un mât supplémentaire. Ces deux types de vaisseaux préfiguraient les navires de plein gréement qui régneront sur les mers avant d'être détrônés par les steamers vers 1850.
Les navires des xviie et xviiie s.
Les caravelles dominèrent la marine marchande jusqu'au xixe s., qui vit l'apparition des premières charpentes métalliques. Les Compagnies des Indes hollandaises ou britanniques utilisaient notamment ces navires pour rapporter leurs précieuses cargaisons en Occident. Ils pouvaient atteindre 60 m de long sur 15 m de large et jauger plus de 2 000 t. Certains d'entre eux comportaient 5 ponts. Le puissant armement de la caravelle, composé de plusieurs dizaines de canons de calibre 24 (boulet de 24 livres) ou 32 (boulet de 32 livres) disposés sur les flancs et à l'arrière, assurait la défense contre corsaires ou pirates. Les boiseries de ces navires étaient finement travaillées, et de luxueuses cabines accueillaient les passagers de marque. La mâture se composait du mât principal, du hunier et du perroquet. Le Vasa hollandais (1628), renfloué dans les années 1980 et conservé au musée de Stockholm (Suède), ou le Victory (1778), navire amiral de la flotte de Nelson, conservé à Portsmouth (Angleterre), donnent une idée de l'aspect de ce type de navires. Des vaisseaux similaires transportaient vers l'Europe des denrées, notamment le sucre des colonies françaises et britanniques des Antilles. Des navires de plus petite taille servirent au commerce côtier et fluvial (transport du charbon de Newcastle à Londres) ou pour la pêche côtière ou en haute mer. Les premiers bateaux de « plaisance » apparurent également à cette époque. Les Hollandais en furent les premiers constructeurs, et Charles II les introduisit en Angleterre. Ces navires disposaient d'un ou de deux mâts, selon les modèles.
Les navires du xixe s.
Le xixe s. fut marqué par l'émergence de navires marchands de plus grande capacité. En effet, le commerce des nitrates du Chili ou l'émigration vers l'Australie, avec comme contrepartie l'importation de laine, requirent bientôt des voiliers dotés de 4 à 7 mâts et pourvus d'énormes cales. En outre, les ruées vers l'or de Californie et d'Australie ainsi que le commerce britannique du thé stimulèrent la construction de vaisseaux plus rapides. Ainsi apparurent les clippers.
Équipés de voiles carrées, ces navires transportaient à la fois des cargaisons et des passagers. Les meilleurs clippers atteignaient des vitesses voisines de 20 nœuds (37 km/h). Leurs noms attestaient leur vélocité : le Lightning (l'« Éclair ») ou le Flying Cloud (le « Nuage volant »). Le Lightning effectua notamment un parcours de 702 km en une seule journée, exploit que bon nombre de navires à vapeur ne purent égaler. Le Dreadnought fit également pâlir les steamers en maintes occasions, lors de traversées de l'Atlantique. Il couvrit ainsi le parcours New York-Liverpool en moins de quatorze jours. Avec ses 4 555 t, le Great Republic de Donald McKay surpassait tous les autres navires en bois. Ce gigantesque clipper mesurait 102 m de long, et ses mâts portaient plus de 6 000 m2 de toile. Un incendie le détruisit peu de temps après sa mise à flot, et il fut alors reconstruit avec un gréement de plus petites dimensions.
Les clippers et les premiers paquebots, navires destinés au transport, entre l'Europe, les Amériques et la Chine, du courrier, des cargaisons officielles, des diplomates, se distinguaient par leur grande rapidité. En contrepartie, le profil effilé et la forme en V de leurs carènes limitaient leur capacité de chargement. Toutefois, comme le commerce britannique du thé exigeait instamment des navires rapides, ceux-ci perdurèrent ; les premiers steamers se révélèrent en effet incapables de les égaler. La célèbre course qui opposa le Thermopylae au Cutty Sark, deux clippers anglais, n'eut lieu qu'en 1872. Mais elle n'était pas représentative de l'évolution des techniques navales en Grande-Bretagne, qui à cette époque avait déjà adopté les steamers à charpente métallique, contrairement aux États-Unis, qui utilisaient encore des clippers en bois.
Les premiers steamers
Le moteur à vapeur tarda à s'imposer. La peur des incendies et la méfiance à l'égard des nouvelles techniques incitèrent les constructeurs à maintenir un gréement sur leurs navires. Ainsi, le Savannah, premier steamer américain à avoir traversé l'Atlantique, en 1819, utilisa surtout ses voiles pendant les vingt-sept jours que dura le voyage ; ses moteurs ne fonctionnèrent vraiment que quatre-vingts heures.
Ce fut le Sirius, navire britannique, qui le premier traversa l'Atlantique, en 1838, en se servant exclusivement de son moteur. Mais ses réserves de combustible s'épuisèrent en fin de parcours et les marins furent contraints de brûler la mâture et le gréement pour alimenter les machines. Le premier voyage du Great Western eut lieu cette même année. Ce navire mesurait 72 m de long, une taille considérable pour l'époque, et possédait quatre chaudières qui fournissaient l'énergie motrice à ses roues à aubes. Il relia New York à Boston en quinze jours, à une vitesse moyenne de 8 nœuds (14,8 km/h). Par la suite, le Great Western assura le service de la première ligne transatlantique régulière. S'inspirant de cet exemple, Samuel Cunard créa sa propre ligne de transport maritime. Ses bateaux à aubes effectuaient, deux fois par mois, le parcours Liverpool-Boston en une quinzaine de jours. L'initiative de Cunard suscita une émulation, et de nouvelles compagnies virent le jour. Ainsi, la Royal Mail Steam Packet Company reliait la Grande-Bretagne aux Antilles tandis que les bateaux des Peninsular et Oriental Steam Navigation Companies circulaient entre la Grande-Bretagne, l'Inde et la Chine. Le Great Western était issu des recherches d'Isambard Kingdom Brunel, le plus grand architecte naval de l'époque. Brunel appréhendait parfaitement l'importance des grands navires pour affronter les eaux agitées de l'Atlantique et souligna en outre la nécessité de réserves de combustible suffisantes (soutes à charbon) pour alimenter les machines. Les améliorations qu'il apporta à la construction navale, le double fond entre autres, se retrouvent encore sur les navires modernes. Le Great Britain, conçu par Brunel en 1843, marqua l'avènement des grands navires à structure métallique (en acier) et celui des hélices propulsives.
Le Great Eastern, troisième navire de Brunel, fit sa première sortie en mer en 1858. Long de 211 m, il pouvait transporter 27 400 t. Avec ses 400 membres d'équipage et sa capacité d'accueil de 4 000 passagers, ce bâtiment, le plus grand de son époque, domina la navigation civile jusqu'à la fin du xixe s. et posa le premier câble sous-marin entre l'Europe et les États-Unis. Équipé d'un gréement perfectionné (six mâts et une importante voilure), le Great Eastern faisait également appel à une propulsion mécanique mixte : un moteur à vapeur actionnait deux roues à aubes, et un autre une hélice. Enfin, autre perfectionnement, un troisième moteur entraînait le gouvernail. Les vingt années qui suivirent se caractérisèrent par l'abandon des roues à aubes au profit de l'hélice et par une constante amélioration des moteurs.
Voir également les articles : marine, navire, paquebot, voilier.