Hongrie : art
Partie intégrante de l’empire de Rome, sous le nom de Pannonie, la Hongrie conserve des vestiges de l’art romain, notamment à Aquincum près de Budapest. Venu de la région de l’Oural, le peuple hongrois pratiquait dans ses longues migrations, depuis le ve s. av. J.-C., un art très riche de l’orfèvrerie, de style oriental : témoin le trésor d’or de Nagyszentmiklós, conservé au Kunsthistorisches Museum de Vienne.
Moyen Âge et Renaissance
Après le couronnement du premier roi de Hongrie, saint Étienne, l’art de ce pays s’inscrit résolument, au xie s., dans l’aire de la culture occidentale. Pendant les cinq siècles du Moyen Âge, une brillante civilisation chrétienne s’est développée, malheureusement ravagée d’abord, en 1241-42, par l’invasion mongole, puis détruite en majeure partie par l’occupation turque. Sauf quelques ruines et vestiges, il n’en subsiste guère de monuments que dans les régions périphériques, soustraites à l’invasion turque, l’actuelle Slovaquie et la Transylvanie, aujourd’hui unie à la Roumanie.
L’art roman, florissant pendant trois siècles, a créé d’importantes abbatiales, dont on a une idée par celles qui subsistent à Pécs, Ják, Zsámbék, Gyulafehérvár (auj. Alba-Iulia, en Roumanie), édifices à trois nefs, sans transept, avec de massives tours carrées. Influences d’abord lombarde et bavaroise, ensuite des ordres français, Cisterciens et Prémontrés ; riche décoration sculptée des portails, dont les fouilles d’Esztergom révèlent la haute qualité. Des arts décoratifs, il reste la chape du sacre des rois de Hongrie (1031), en soie brodée d’or sur fond pourpre, des pièces d’orfèvrerie, dont une série de très curieux aquamaniles conservés au Musée national hongrois de Budapest, des croix en émail champlevé.
L’art gothique s’est développé avec le règne de Louis Ier le Grand (1342-1382). Le plus important monument subsistant est la cathédrale de Kassa (auj. Košice, en Tchécoslovaquie), commencée vers 1380, avec chœur à déambulatoire. L’architecture civile a édifié des donjons et des châteaux forts à Visegrád et à Diósgyőr, des maisons bourgeoises aussi à Sopron et à Buda. La sculpture a produit des œuvres de haute qualité, dont les pièces capitales sont la grande statue équestre de saint Georges, à Prague, due à Martin et Georges de Kolozsvár, monumentale pièce de bronze marquant une date dans l’art européen (1373), le reliquaire en argent doré de saint Ladislas, à Győr (v. 1400), plusieurs statues en bois polychrome du xve s., de style onduleux et gracieux.
La peinture gothique, dont le chef-d’œuvre au xive s. est la Chronique illustrée du miniaturiste Miklós Meggyesi, connut une floraison remarquable de 1400 jusque vers 1550. Elle servait à décorer les retables, parfois de 10 m de haut (celui du maître-autel de Kassa avait 48 panneaux), particulièrement nombreux dans les églises de haute Hongrie. On distingue dans cette région trois écoles successives, celle des cités minières, celles de Kassa et du Szepesség (en tchèque Spiš). Art influencé par les régions voisines, mais d’une vigueur originale et harmonieuse. Les maîtres dominants sont Thomas de Kolozsvár, actif vers 1427, dont le style élancé et pur se rattache au gothique international, le Maître raffiné de la Madone à la rose de Kassa (musée des Beaux-Arts de Budapest) et, le plus grand, le Maître M. S., dont les six panneaux de l’autel de Selmecbánya (aujourd'hui Banska Štiavnica, en Tchécoslovaquie), partagés entre les musées d’Esztergom et de Budapest, attestent l’originalité, la subtilité lyrique et surtout le pathétique bouleversant.
La brillante cour du roi Mathias Corvin (1458-1490), à Budapest, fait succéder au gothique finissant (somptueux calvaire du roi, en or et matières précieuses, au trésor d’Esztergom) le style de la Renaissance italienne. Celui-ci s’impose dans les précieux manuscrits — dits « corvinas » — de la bibliothèque de ce souverain, qui fut l’une des plus riches du monde. Même influence italienne dans la sculpture (chapelle Bakócz d’Esztergom, 1507, et Madone Báthory, 1526, Musée national hongrois de Budapest) et dans l’architecture, par exemple au château de Frics (auj. Fričovce, en Tchécoslovaquie). L’échange d’artistes entre la Hongrie et l’Italie fut alors constant, et l’on connaît un peintre hongrois, Michele Pannonio, qui fit carrière à Ferrare.
xviiie siècle
La défaite de Mohács, en 1526, arrêta l’art hongrois pendant près de cent cinquante ans, et l’occupation turque fit des ravages incalculables dans la plaine hongroise. Quand le pays fut enfin libéré, la reconstruction se fit dans le nouveau style baroque. De nombreuses églises s’édifièrent, avec des tours à coupoles superposées (Sainte-Anne à Buda ; église universitaire à Nagyszombat [auj. Trnava, en Tchécoslovaquie] ; église des Franciscains à Eger ; église des Bénédictins à Győr, celle-ci avec un intérieur d’un luxe éclatant). Des palais d’un style classique fort élégant s’élevèrent dans tout le pays, à Pozsony (auj. Bratislava), Veszprém, Esterháza (auj. Fertőd), Gödöllő, avec colonnades, frontons, balustrades ornées de statues. Les sculpteurs vinrent surtout alors de Vienne, tel Georg Raphaël Donner (1693-1741). Les peintres aussi, bien qu’il y eût parmi eux quelques Hongrois de talent : le portraitiste Ádám Mányoki (1673-1756), Jakab Bogdány (v. 1660-1724), auteur de savoureuses natures mortes. Mais l’urbanisme, surtout, fut alors remarquable, et des villes entières ont conservé d’excellents ensembles du xviiie s. : Eger, Sopron, Székesfehérvár, où la taille de la pierre et l’art du fer forgé produisirent des chefs-d’œuvre. Il en fut de même des arts décoratifs, céramique, orfèvrerie, tissus, qui continuèrent à se développer dans les classes paysannes. Celles-ci, enrichies au xixe s., créèrent jusqu’en plein xxe s. un art populaire (meubles de bois peint, vêtements brodés, menus objets sculptés) qui est l’un des plus riches de toute l’Europe.
xixe siècle
Au début du xixe s., l’architecture fut marquée par un néo-classicisme d’influence italienne : basilique d’Esztergom, la plus vaste de Hongrie, par József Hild (1789-1867), Musée national hongrois de Budapest par Mihály Polláck (1773-1855). Ensuite, ce fut le goût pour le néo-gothique, dont le monument le plus fameux est le Parlement de Budapest, dû à Imre Steindl (1839-1902). La sculpture eut aussi des représentants néo-classiques, comme István Ferenczy (1792-1856), formé à Rome. La statuaire monumentale et académique, très prisée comme dans toute l’Europe au xixe s., fut illustrée par les œuvres d’Alajos Stróbl (1856-1926) et de János Fadrusz (1858-1903). La peinture a suivi les grands courants du romantisme et du réalisme européens. On y trouve des portraitistes consciencieux qui ont un charme d’époque, Miklós Barabás (1810-1898) ou József Borsos (1821-1883), des paysagistes épris de la nature sauvage, Károly Markó (1791-1860) ou László Paál (1846-1879), qui travailla à Barbizon. Mais la grande vogue fut pour les peintres d’histoire. Mihály Munkácsy (1844-1900) connut une gloire internationale et triompha à Paris. À ses scènes évangéliques théâtrales, on peut préférer ses évocations populaires et ses paysages, d’un réalisme à la Courbet. En réaction contre l’art d’atelier surgit une école de plein air, dont le maître fut Pál Szinyei Merse (1845-1920) [Déjeuner sur l’herbe, 1873, Galerie nationale de Budapest]. Son exemple fut suivi par un groupe de peintres qui travaillèrent au début du xxe s. à Nagybánya (auj. Baia Mare, en Roumanie) et dont le plus intéressant fut Károly Ferenczy (1862-1917).
xxe siècle
Après l’influence de Munich, dominante au xixe s., celle de l’école de Paris s’imposa. Nombre de peintres vinrent y travailler. Ainsi, József Rippl-Rónai (1861-1927) participa au groupe des nabis, créant une œuvre raffinée et colorée. À cette tendance se rattachent István Szőnyi (1894-1960) ou Aurél Bernáth (né en 1895). C’est au groupe des fauves que se lia Béla Czóbel (né en 1883), tandis que le cubisme marqua Vilmos Aba Novák (1894-1941). La première moitié du xxe s. connut encore bien des peintres de talent : Endre Domanovszky (né en 1907), László Mednyánszky (1852-1919) et surtout Tivadar Csontváry Kosztka (1853-1919). Autodidacte, celui-ci, reconnu après sa mort, créa de grandes compositions d’esprit naïf, d’un lyrisme et d’un collorisme exacerbés. D’autres furent expressionnistes, comme Gyula Derkovits (1894-1934), d’inspiration ouvrière, ou József Egry (1883-1951). Nombre de peintres hongrois ont continué à venir travailler à Paris, où ils ont fait de brillantes carrières, depuis le peintre mondain Philip Alexius Lázsló de Lombos (1869-1937) ou le dessinateur Marcel Vertès (1895-1961) jusqu’à plusieurs abstraits, tels Sigismond Kolos-Vary (né en 1899), Arpad Szenes (né en 1897) et, le plus célèbre, Victor Vasarely. De même pour les sculpteurs. Certains s’imposèrent en Hongrie : Béni Ferenczy (né en 1890), auteur de figures délicates, Jenő Kerényi (né en 1908), réaliste socialiste ; et d’autres à l’étranger, dans l’extrême avant-garde : Joseph Csáky (1888-1971), László Moholy-Nagy, Nicolas Schöffer, créateur du cinétisme lumineux, Pierre Szekely (né en 1923). Ainsi, comme depuis ses origines, l’art hongrois est à la croisée de tous les grands courants de la civilisation de l’Europe occidentale.