Journal de l'année Édition 2004 2004Éd. 2004

– Meilleur réalisateur : Roman Polanski pour le Pianiste

– Meilleur acteur : Adrien Brody dans le Pianiste

– Meilleure actrice : Isabelle Carré dans Se souvenir des belles choses

– Meilleur acteur dans un second rôle : Bernard Le Coq dans Se souvenir des belles choses

– Meilleure actrice dans un second rôle : Karin Viard dans Embrassez qui vous voudrez

– Meilleur jeune espoir masculin : Jean-Paul Rouve dans Monsieur Batignole

– Meilleur jeune espoir féminin : Cécile de France dans l'Auberge espagnole

– Meilleur scénario original ou adaptation : Costa-Gavras, Jean-Claude Grumberg pour Amen

– Meilleur son : Jean-Marie Blondel, Gérard Hardy, Dean Humphreys pour le Pianiste

– Meilleur montage : Nicolas Philibert pour Être et avoir

– Meilleurs costumes : Philippe Guillotel, Tanino Liberatore, Florence Sadaune pour Astérix et Obélix : mission Cléopâtre

– Meilleurs décors : Allan Starski pour le Pianiste

– Meilleure photo : Pawel Edelman pour le Pianiste

– Meilleure musique de film : Wojciech Kilar pour le Pianiste

– Meilleure première œuvre de fiction : Se souvenir des belles choses de Zabou Breitmann

– Meilleur court-métrage : Peau de vache de Gérald Hustache-Mathieu

– Meilleur film étranger : Bowling for Columbine de Michael Moore

– Meilleur film de l'Union européenne : Parle avec elle de Pedro Almodovar

– César d'honneur : Meryl Streep, Spike Lee, Bernadette Lafont

Aux États-Unis

Les vétérans se sont peu renouvelés cette année, mais nous ont donné parfois des œuvres fortes. Le spectateur est un peu mitigé face à Gangs of New York de Martin Scorsese. Celui-ci dresse un portrait inquiétant de la ville au milieu du xixe siècle où gangsters et délinquants dominent. Le film mélange combats et rixes « intimistes » sur le modèle de Mean Streets (1973), un des premiers films de Scorsese, et un goût de la saga calqué sur le modèle du Parrain de Francis Ford Coppola. Une œuvre louable, mais qui laisse insatisfait.

Après bien des échecs et une carrière en dents de scie, l'ex-scénariste de Scorsese, Paul Schrader, refait surface avec Autofocus, une œuvre intrigante et aboutie. Le film décrit la descente aux enfers d'un Américain moyen qui découvre les séductions de l'argent et du sexe grâce à sa réussite professionnelle. Écrit ainsi, simplement, cela paraît banal. Mais on sent, dans le film, la lutte du personnage, un scénariste à succès, pour ne pas plonger dans la « déshumanisation ». Schrader reste toujours marqué par une éducation puritaine, d'où la position ambiguë dans laquelle il place ses personnages attirés et effrayés par d'autres valeurs, celles du « mal ». On constate une rupture du même ordre face à un étiolement et à une mécanisation de l'action propres au cinéma contemporain américain dans Mystic River de Clint Eastwood. Trois amis ont vécu une aventure traumatisante dans leur enfance et ne se revoient plus qu'occasionnellement. Celui qui fut victime d'un viol ne s'en est jamais remis. Ils se retrouvent quand la fille de l'un d'entre eux a été tuée. Eastwood se préoccupe moins de suspense (la réponse est connue dès le début) que de l'analyse poussée de chacun de ses personnages, le tout situé dans une Amérique où les valeurs vacillent. Cela faisait longtemps que Clint Eastwood ne nous avait pas gratifiés d'un film aussi parfait.

Cinéaste totalement atypique, responsable d'une œuvre farouchement personnelle, Steven Soderbergh se livre, avec Solaris, à un pari a priori irréalisable, faire une nouvelle version du célèbre film que Tarkovski réalisa en 1972 en réponse au fameux 2001, l'Odyssée de l'espace de Stanley Kubrick. Soderbergh s'attache moins à l'aspect space opera du roman de Stanislav Lem qu'à décrire, dans des conditions bien particulières, une passion amoureuse, un peu à la dimension de l'univers. Largement incompris, Solaris fera certainement parler de lui dans quelques années. Totalement opposé à ce projet, on trouve The Matrix Reloaded d'Andy et Larry Wachowski, film dans lequel les éléments de scénario ne sont que des prothèses à l'émergence d'un nouveau langage totalement visuel. En bridant une intrigue, forcément pauvre et redondante, en la réduisant à une épure, les frères Wachowski arrivent à concilier spectateurs ordinaires et critiques. Voulant renouveler leur exploit, ils récidivent avec un troisième Matrix Revolutions qui tourne un peu à vide.