Aéronautique, l'année des restructurations
Faisant suite à l'engagement, pris le 20 avril à Paris par les ministres de la Défense de six pays européens (France, Grande-Bretagne, Allemagne, Espagne, Italie et Suède), de « définir, dans les délais les plus brefs, les moyens pour les gouvernements de créer l'environnement le plus favorable aux regroupements et fusions d'entreprises européennes », un accord-cadre sur l'accompagnement des restructurations industrielles dans le domaine de la Défense a été signé à Londres par ces mêmes ministres, le 6 juillet.
Dans la foulée, au cours d'une conférence de presse convoquée en urgence par Aerospatiale et Matra Hautes Technologies, du Groupe Lagardère, a été annoncée la décision de fusion de ces deux sociétés, appelées à former, d'ici au 1er janvier 1999, le quatrième groupe mondial du secteur des industries aéronautiques et de défense, derrière Boeing, Lockheed-Martin et Raytheon-Hugues.
Avec 80 milliards de francs de chiffre d'affaires (sans compter le CA de Dassault-Aviation, dont 46 % du capital devaient être transférés à Aerospatiale), employant 56 500 personnes (19 400 de Matra Hautes Technologies et 37 100 d'Aerospatiale), le groupe né de ce rapprochement a tout d'un géant avec le poids industriel et commercial que cela représente. La décision, arrêtée dans le plus grand secret – puisque les partenaires d'Aerospatiale dans le consortium Airbus Industrie n'en ont été informés que quelques heures avant la conférence de presse – entre le gouvernement français, actionnaire unique d'Aerospatiale, et les deux sociétés concernées, se traduit par la privatisation d'Aerospatiale. En effet, Lagardère SCA détiendra entre 30 et 33 % des parts de la nouvelle société, qui sera cotée en Bourse (20 % du capital devant y être proposés, dont une partie offerte aux salariés), l'État ne conservant que moins de 50 % des parts, mais se réservant un contrôle des seuils de participation au capital du nouvel ensemble. La création de celui-ci a été bien accueillie par les différents partenaires des deux groupes – bien que, côté britannique, on ait estimé la participation de l'État encore trop importante. Aerospatiale-Matra Hautes Technologies, nom provisoire du groupe, devient ainsi, sur le plan mondial, le numéro deux dans le domaine de l'espace (satellites), mais le numéro un pour les lanceurs dans le marché ouvert, le numéro deux pour les missiles, le numéro deux jusqu'en 1997 – derrière Boeing – pour les avions de plus de 100 places, mais devenu numéro un pour les commandes au premier semestre de 1998, place confirmée au Salon aéronautique de Farnborough, numéro deux pour les avions biturbopropulseurs, numéro un mondial pour les hélicoptères sur les marchés ouverts.
Sur le marché des avions civils, tandis que Boeing connaissait des difficultés de production et de livraison, sanctionnées par une perte de profits de 46 % (258 milliards de dollars, contre 476 milliards de dollars en 1997) au premier semestre 1998, d'où une chute de l'action, et annonçait une suppression de 18 000 à 28 000 emplois, Airbus Industrie marquait de nombreux points et accueillait de nouveaux clients, dont British Airways, avec 59 commandes fermes et 129 options sur la famille A319/320/321, et UPS, avec 30 commandes fermes et 30 options d'A300-600F (cargo), deux compagnies jusque-là fidèles à Boeing, tandis qu'US Airways annonçait une commande de 30 appareils A330, devenant ainsi la première compagnie des États-Unis à choisir le biréacteur gros porteur très-long-courrier européen, dont les livraisons de la nouvelle version A330-200 ont débuté en 1998. Par ailleurs, plus de 120 commandes fermes et engagements d'achat, dont, à Farnborough, ceux d'Emirates et de la société de leasing ILFC, ont été enregistrés pour les quadriréacteurs A340-500 et -600, versions allongées et à plus long rayon d'action de l'A340, dont la commercialisation a été ouverte fin 1997 pour des livraisons dans la première décennie 2000. Après la dissolution du consortium franco-italo-britannique AI(R) et la renonciation au projet franco-sino-singapourien du biréacteur de 100 places AE31X, le lancement de l'A318 – version raccourcie de l'A319 dans la catégorie des 100 places – a été annoncé à Farnborough, tandis que le programme de l'A3XX, le super-jumbo du xxie siècle programmé par Airbus Industrie pour mettre fin au monopole du Boeing 747-400 et entrer en ligne en 2004, progresse favorablement, avec le concours, pour sa définition, d'une vingtaine de très grandes compagnies aériennes. À la mi-septembre, le carnet de commandes fermes d'Airbus Industrie s'élevait à 1 180 appareils, pour un montant total de 75 milliards de dollars, représentant quatre ans de plan de charge.