Les écomusées
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, on assiste à une très importante éclosion de nouveaux musées de tous types dans le monde entier, particulièrement en Europe et aux États-Unis. Musées d'archéologie, d'art, d'histoire, de sciences et techniques, de littérature et d'écrivains, de musique se multiplient. Ce sont cependant les musées d'ethnographie et de conservation du patrimoine – en général régional – qui connaissent le développement le plus spectaculaire. Regroupés en France sous l'appellation d'« écomusée », ces établissements montrent un grand dynamisme et attirent un public de plus en plus nombreux. Ces musées jeunes, en France notamment, doivent, de par leur fonction même, s'obliger à des remises en question et à des transformations incessantes. Ils s'efforcent de présenter leurs collections de manière moins figée, moins solennelle aussi, plus vivante.
Les mutations rapides et profondes subies par les sociétés humaines, la disparition souvent brutale de pans entiers de l'industrie en France et dans le monde, surtout dans les années 70 et 80, expliquent l'engouement du public pour les écomusées. Cela justifie aussi la création ou l'extension de nouveaux musées « de plein air » et de folklore, afin de préserver le maximum de traces du patrimoine rural ou industriel révolu.
Quelle définition peut-on donner de ces nouveaux musées à la tradition pourtant ancienne ? Quelle est leur genèse ? Quelles sont leurs caractéristiques ? Quels sont les différents domaines qu'ils couvrent ? Quelques exemples remarquables illustreront leur rôle capital.
Un laboratoire vivant de l'environnement rural ou urbain
Le terme « écomusée » associe les mots « écologie » et « musée ». Il a été forgé en France en 1971 par Hughes de Varine-Bohan. Le véritable créateur des écomusées, Georges Henri Rivière, en a donné une longue définition très explicite, approuvée officiellement en 1978 par l'assemblée générale de la Fédération des parcs naturels de France. Elle peut se résumer ainsi : l'écomusée est un conservatoire vivant de l'environnement rural ou urbain (souvent les deux à la fois). Il met en relief le cadre de vie naturel et culturel, dont il s'efforce, par les moyens les plus divers, de préserver le patrimoine. Musée de plein air, il exerce son action en général au niveau d'une région de France ou de tout pays étranger concerné. L'écomusée ne s'occupe pas seulement de la sauvegarde et de la restitution d'un passé révolu, mais aussi du présent et de l'avenir. Ses activités concernent des domaines divers : ethnographie et folklore rural ou urbain, archéologie industrielle et artisanale, botanique, zoologie, histoire, sociologie, sciences et techniques. Plus que les musées traditionnels d'art, d'archéologie et d'histoire, l'écomusée a pour mission primordiale d'associer de façon concrète les autochtones et les visiteurs étrangers à son fonctionnement et à son programme pédagogique. La population locale doit, si possible, devenir l'actrice d'une scénographie, qui cherche à mettre en valeur tout l'héritage culturel d'un territoire plus ou moins vaste et bien caractérisé. L'écomusée n'est pas une « morgue » ni un « temple » d'un passé disparu et figé, mais une institution en évolution constante : lieu d'expositions sur un seul ou plusieurs sites dispersés ; laboratoire ; école du savoir-faire et des métiers disparus ou menacés, ou de la vie quotidienne, avec ses gestes habituels dans un cadre intime (cellule familiale) ou collectif (usine, atelier d'artisanat, par exemple). Cette mise en scène de l'homme et de son milieu naturel, la préservation de ce cadre pour les générations futures impliquent un travail interdisciplinaire permanent et sans préjugés, mené très souvent par des associations.
L'écomusée de la région Fourmies-Trélon
À la fin du xixe siècle, Fournies (Nord) et sa région sont un centre mondial de l'industrie lainière (600 machines à peigner, 1 600 métiers à tisser, près de un million de broches à filer, des centaines de manufactures, près de 26 000 personnes). Il ne restait plus en 1990 qu'une dizaine de manufactures et moins de 1 000 salariés. Créé en 1980, l'écomusée de la région Fourmies-Trélon a installé dans l'ancienne filature Prouvost-Masurel (1874) un musée du Textile et de la Vie sociale. Il fait fonctionner des machines, a reconstitué le bureau du contremaître, le laboratoire, des ateliers de bonneterie, de nettoyage et de repassage, ainsi que la chambre d'une couturière à domicile, un estaminet et un intérieur ouvrier d'avant 1914.
L'archéologie industrielle et technique
La nécessité d'empêcher la disparition de témoins précieux du patrimoine industriel et minier français a provoqué l'éclosion de nombreux musées, bien après celle qu'a connue la Grande-Bretagne, qui a Joué un rôle de pionnier dans ce domaine. L'épopée du charbon » revit dans des musées comme ceux de Elanzy (Saône-et-Loire), Ronchamp (Haute-Saône), La Machine (Nièvre), Anzin et Lewar-de-Guesnain (Nord), Le Molay-Littry (Orne), qui n'ont pourtant pas l'ampleur du Deutsches Bergbau Muséum de Bochum (Ruhr). Les vieilles forges du xviiie siècle, à Buffon (Côte-d'Or) et à Aube (Orne) ont été réhabilitées, tandis que les écomusées du Creusot-Montceau-les-Mines et de Fourmies-Trélon restituent la mémoire du passé industriel de leur région.
Des précurseurs, les Scandinaves et les Américains du Nord
Le mot « folklore » (savoir populaire) a été forgé par l'Anglais John Thomas en 1846. Il marque une prise de conscience : toute une culture populaire européenne est menacée de disparition par la révolution industrielle, qui provoque l'exode rural et l'effondrement de l'artisanat traditionnel. Les premiers musées de folklore s'ouvrent vers 1875, pour préserver l'immense patrimoine des croyances et coutumes en voie d'extinction. En France, on les appelle « musées des Arts et Traditions populaires ». Ces nouveaux musées se développent particulièrement en Scandinavie. En 1873, le docteur Hazelius fonde à Stockholm le Nordiska Museet, et à Skansen, près de la capitale suédoise, le premier véritable musée de plein air. En 1878 est créé à Paris le musée d'Ethnographie du Trocadéro (futur musée de l'Homme). Consacré surtout aux cultures dites « primitives » d'Asie, d'Afrique, d'Amérique du Nord et du Sud, d'Océanie et d'Australie, il possède un département « France traditionnelle » qui sera transféré en 1937 au musée des Arts et Traditions populaires. En 1879, Bernhard Olsen fonde à Copenhague le Dansk Folkmuseum, augmenté des musées de plein air de Sorgenfry (1899) et Lyngby (1901). En 1895, Moltke Moe fonde le Norsk Folkemuseum d'Oslo.