Journal de l'année Édition 1998 1998Éd. 1998

Le dérapage des finances publiques depuis 1990 s'est manifesté par le creusement du déficit budgétaire dû au gonflement des aides à l'ancienne Allemagne de l'Est et des charges sociales (chômage, dépenses de santé, retraites, etc.) ; entre 1989 et 1993, le déficit public annuel consolidé est passé de 0,4 % à 5,4 % du produit intérieur brut, malgré une pression fiscale accrue. Après 1993, le gouvernement n'est parvenu à se rapprocher de la limite de 3 % imposée par le traité de Maastricht qu'au prix d'un envol extraordinaire de la dette publique : celle-ci a atteint dangereusement la limite de 60 % du PIB autorisée par Maastricht. En effet, elle est passée de 928,9 milliards de marks en 1989 (41,8 % du PIB) à 2 208,9 milliards en 1996 (59,6 %). En comparaison, celle de la France s'élevait en 1992 de 2 746 milliards de francs (soit 39,3 % du PIB) à 4 360 milliards en 1996, soit 57,7 %.

Avec une telle croissance de la dette publique, l'Allemagne a été contrainte non seulement d'emprunter sur les marchés internationaux de capitaux, mais aussi de gagner la confiance des investisseurs étrangers. Placée ainsi devant une situation historiquement inédite, l'économie allemande est condamnée à exécuter un rebond consistant d'abord à garder et encore plus à conquérir de nouveaux débouchés extérieurs par d'autres moyens que ceux définis par le modèle rhénan.

Rebond

De cette remise en cause pendant les années 1990 du modèle rhénan provoquée par la forte poussée des coûts salariaux et des charges sociales, l'économie allemande est sortie affaiblie surtout sur le plan extérieur : entre 1990 et 1996, la part allemande dans les exportations mondiales a baissé de 12,2 à 9,9 %.

Depuis la fin de l'année 1996, les instituts de conjoncture, notamment celui de Cologne, ont pu observer de nombreux signes de redressement de l'activité économique : amélioration du climat des affaires, hausse des commandes et de la production industrielle et surtout progression des exportations (plus de 9,6 % au premier semestre 1997), facilitée d'ailleurs par la montée du dollar. Ces mêmes instituts ont vu dans ces résultats favorables le début d'une adaptation des firmes aux nouvelles conditions de la concurrence internationale et l'amélioration de la productivité et de la qualité des produits.

Pour gagner la bataille de la compétitivité, les firmes ont joué sur plusieurs tableaux. Pour échapper à des coûts intérieurs trop élevés, les firmes ont délocalisé vers « les marchés de l'avenir » (Asie) ou ont implanté des chaînes de montage automobile d'une plus grande échelle, donc plus rentables, en Europe de l'Est, au Brésil et même aux États-Unis. En second lieu, elles réclament davantage de flexibilité à la main-d'œuvre : ainsi Daimler-Benz a conclu en octobre 1997 un accord avec les syndicats maison pour contenir le prix d'un nouveau modèle de voiture (Classe A), à travers une politique d'économies et d'aménagement des horaires ; 14 000 salariés ont été ainsi recrutés dans l'année. En troisième lieu, des grands groupes diversifiés comme Thyssen, Siemens, Hoechst, Daimler-Benz se concentrent sur les métiers les plus rentables et se séparent des activités marginales (cas du sidérurgiste Mannesmann se tournant vers le marché des télécommunications). En quatrième lieu, pour échapper à la tutelle des banques, les firmes cherchent à séduire les actionnaires comme les clients en vue d'une plus grande autonomie financière. Enfin, les groupes les plus puissants tentent de s'allier à des ensembles équivalents d'autres pays (cas de Siemens et de British Nuclear Fuels ou Deutsch Telekom et France Télécom).

Gilbert Rullière

Modèle rhénan ou Sozialmarktwirtschaft (économie sociale du marché)

Depuis la guerre, l'Allemagne a réussi d'abord sa reconstruction puis un développement économique sans précédent et enfin la réunification avec sa partie orientale grâce à un modèle original dont on fait remonter l'origine à Bismarck. La « Sozialmarktwirtschaft » correspond à une forme de capitalisme appelé également rhénan, de caractère libre-échangiste, mais marquée par une association des syndicats de travailleurs à la cogestion de l'entreprise. Ces derniers négocient à intervalles plus ou moins réguliers les revalorisations des salaires, les horaires de travail et les avantages sociaux au niveau des branches professionnelles. En contrepartie, la paix sociale a été garantie pendant longtemps. Avec la mondialisation, ce modèle est sérieusement ébranlé parce que moins concurrentiel au plan international.

Bibliographie :

Allemagne : la fin d'un modèle, Serge Milano, Aubier 1996, 418 p., 145 F.

L'Économie allemande, Jean-Pierre Gougeon, Le Monde-Éditions-Marabout, 1993.