Programmes TV : la loi des séries
Le scandale des animateurs-producteurs a-t-il refroidi le marché des transferts ? La rentrée de septembre n'a été marquée que par un léger va-et-vient d'animateurs entre TF1 et France 2. Arthur et Nagui ont ainsi quitté la chaîne publique pour animer, respectivement, « La fureur du samedi soir », émission de variétés, et « L'appel de la couette », version liftée de « N'oubliez pas votre brosse à dents ». De son côté, Patrick Sébastien est revenu sur la chaîne publique avec un divertissement bimensuel basé sur le hasard. Jean-Luc Delarue et Michel Drucker ont conservé « Ça se discute » et « Studio Gabriel », alors qu'Alexandra Kazan présente désormais « Taratata » (toujours produite par Nagui) et que Frédéric Mitterrand veille sur un nouveau ciné-club, inauguré par un cycle Marilyn Monroe. Rien que de très classique. Par contre, Philippe Tesson, Mireille Dumas et Tina Kieffer ont disparu des écrans.
Alors que France 2, pour prendre le relais de « Fort Boyard », lançait à l'automne « La légende de Mélusine », jeu à caractère médiéval présenté par l'ex-judoka Thierry Rey, ancien de Canal + et gendre du président de la République, France 3 marquait deux points : la diffusion sur tout le territoire de « Qu'est-ce qu'elle dit Zazie », un excellent magazine culturel jusqu'alors réservé aux téléspectateurs d'Île-de-France et du Centre, et la poursuite du toujours surprenant « Strip-tease », qui a retrouvé un rythme hebdomadaire et un horaire décent (dimanche à 18 heures).
Séries culte. Pour la première fois depuis très longtemps (1982 et les deux balles reçues par J.R. dans « Dallas »), des séries ont tenu les téléspectateurs en haleine. Pour cause de stock cinématographique presque à sec, France 2 a diffusé le dimanche soir des épisodes de « Urgences », conçu par l'auteur-producteur Michael Crichton. Outre ses qualités dramaturgiques, cette série repose sur un hyperréalisme quasiment documentaire qui appelle les choses de la vie, et surtout de la mort, par leur nom. « Urgences », c'est l'hôpital dans ses moindres détails, parfois les plus sordides ; c'est aussi une série qui milite pour l'hôpital public avec ses sans-abri, paumés et toxicomanes. Mais la série ne se borne pas aux bons sentiments de charité et de compassion. Derrière les blouses blanches dévouées à leur métier, les acteurs ne s'épargnent ni coups tordus ni perversions raffinées. Les adolescents se sont eux repus des épisodes inédits de « Aux frontières du réel », diffusés le samedi soir sur M6. Les deux agents du FBI, Mulder et Scully, aux prises avec les mensonges d'État ou avec des créatures venues d'ailleurs, ont réalisé de beaux scores chez les 14/17 ans.
Les chiffres corroborent les tendances : selon une étude du CSA menée de juin 1995 à juin 1996, l'audience des films à la télévision a nettement chuté. Parmi les 20 meilleures audiences de TF1 (la chaîne leader) ne figurent que deux films (américains) perdus au milieu des séries telles que « Navarro » ou « Julie Lescaut », ou des divertissements comme « Les grosses têtes ».
En septembre, Canal + a lancé le premier pay per view (« payer pour voir »). Les abonnés à Canal-Satellite peuvent désormais expérimenter le football à la carte moyennant un abonnement de 143 F par mois (décodeur numérique et service kiosque) et le paiement de 50 F pour regarder un match du Championnat de France. L'accord d'exclusivité pour cinq ans signé entre la chaîne cryptée et la ligue de football a provoqué l'amertume de TF1, qui devait lancer en décembre un bouquet de programmes par satellite en association avec France Télévision, M6 et la CLT. Le sport est en effet une des composantes essentielles des bouquets de programmes.
Canal multiplie les initiatives. Parfois, avec un peu de casse. Ainsi, avec le « Vrai-faux journal », Karl Zéro a proposé un stupéfiant mélange de vraie information et de délirantes supercheries. Fin octobre, toutefois, une séquence représentant l'assassinat de Jacques Chirac, d'Alain Juppé et de Jean-Louis Debré par des tueurs à gages a provoqué la colère du CSA. L'émission a été suspendue pour un mois par la direction de la chaîne afin d'être reformatée.
Michel Embareck