Autre fusion annoncée à Farnborough : la naissance de Matra-BAe Dynamics, formée par British Aerospace et Matra, les deux sociétés collaborant dans plusieurs programmes britanniques de pointe, comme le CASOM (Storm Shadow) et le Meteor, proposé pour le programme de missile air-air moyenne portée SR(A) 1239 destiné à la RAF. Autre but de la manœuvre : postuler à la reprise du groupe Thomson SA (missiles et électronique) en instance de privatisation. Appuyé par Bristish Aerospace et Dasa (Allemagne), Matra était en compétition pour ce rachat avec Alcatel-Alsthom, le choix final devant être effectué par le président de la République. À la mi-octobre, l'annonce était faite par le gouvernement de la cession du groupe à Matra, à la grande satisfaction du président Jean-Luc Lagardère. Par ailleurs, la division Radar & Contremesures de Thomson CSF et Daimler-Benz Aerospace ont conclu un accord de coopération concernant l'emploi des véhicules aériens pilotés ou télécommandés de type SAR/MTI (synthetic aperture radar/moving target indicator, ouverture radar synthétique/indicateur de cible mouvante). De plus, Snecma et Rolls-Royce ont lancé un programme commun de recherche pour une technologie avancée de moteur militaire (AMET, Advanced Military Engine Technology), destinée à propulser la future génération d'avions de combat.
L'espace n'est pas en reste, puisque Aerospatiale, l'agence spatiale russe RKA et le centre spatial de Samara ont fondé Starsem, société qui a pour vocation la commercialisation des lanceurs Soyouz et Molnya en complément des Ariane 4 et 5 européennes, cela pour répondre aux alliances américano-russo-ukrainiennes (Boeing/Energya/Youjnoyé ; Lockheed-Martin/Khrounitchev/Energya ; et Rockwell/Youjnoyé).
D'autres constructeurs ont présenté de nouveaux modèles. Parmi eux, McDonnell-Douglas a dévoilé le MD-17, version civile cargo du quadri-réacteur militaire de transport lourd C-17, son nouveau biréacteur MD-90, et annoncé pour la fin de l'année le lancement du triréacteur commercial MD-XX en version très long courrier (13 500 km) et en version allongée pour 375 passagers (11 500 km). Le Brésilien Embraer a présenté en vol l'EMB-145, biréacteur de transport régional. Face au Rafale et au Mirage 2000-5 de Dassault-Aviation, on a enfin assisté à la présentation en vol de l'avion d'armes EFA anglo-germano-italo-espagnol (Eurofighter Aircraft).
L'année 1996 a donc vu le redémarrage des industries du transport aérien. En revanche, les restrictions généralisées des budgets militaires ont rendu plus fragiles les départements concernés du secteur industriel.
Air France : alliances américaines. Le 16 octobre a marqué pour Air France l'entrée dans une grande politique d'alliances transatlantiques. Annoncées par le président, Christian Blanc, deux lettres d'intention venaient d'être signées par la compagnie nationale avec deux des plus grosses compagnies aériennes nord-américaines : Delta Airlines, première compagnie mondiale (91 millions de passagers transportés en 1995, 539 avions, 255 destinations dans 39 pays), et Continental Airlines (136 destinations aux États-Unis, 57 internationales, 287 avions, 37,5 millions de passagers en 1995). Air France, pour sa part, avec 205 avions, ayant transporté en 1995 31 millions de passagers et 700 000 tonnes de fret sur 196 destinations. La nouvelle alliance permettra aux trois compagnies d'élargir leurs marchés respectifs et de concurrencer deux autres importants regroupements : Northwest/KLM et United/Lufthansa. Enfin entrée dans la voie du redressement. Air France est désormais en mesure de renforcer et de consolider sa position internationale. En novembre, la compagnie affichait – pour la première fois depuis 1989 – un résultat semestriel positif.
Air France et Air France Europe
La projet de création de la Compagnie européenne – rapprochement d'Air France Europe (ex-Air Inter) et des activités européennes d'Air France – ayant été repoussé par les syndicats de pilotes d'Air France Europe, c'est donc la fusion des deux compagnies qui a été décidée, la compagnie unique devant comprendre une division moyen- et court-courriers, et une division long-courriers. À la suite d'un séminaire tenu a Louveciennes et réunissant les cadres de la compagnie, treize chefs de projet ont été désignés pour piloter, secteur par secteur, le rassemblement des deux compagnies du Groupe Air France. Tout devra être mis en place au 1er avril 1997.
Le géant des airs
Le 15 décembre, les deux constructeurs américains McDonnell-Douglas et Boeing annoncent leur fusion et la naissance du « groupe aérospatial le plus grand, le plus fort, le plus diversifié et le plus admiré du monde, et, de loin en loin, du plus grand exportateur des États-Unis ». Le nouvel ensemble représente 200 000 salariés, 48 milliards de dollars de chiffre d'affaires, des usines implantées dans 26 pays différents, un carnet de commande de 100 milliards de dollars et plus de 70 % du marché mondial des avions civils. Cette fusion ne constitue pas vraiment une surprise. Au début de décembre, les deux avionneurs avaient signé un accord de coopération technique, qui marquait déjà le destin de McDonnell-Douglas. La firme de Saint Louis, qui souffrait depuis un moment de fortes surcapacités et qui avait été barrée par le Pentagone du programme JSF d'avion de combat, se rangeait déjà sous la bannière de Boeing en acceptant de devenir, de fait, son sous-traitant pour la gamme des gros-porteurs (747-500 et 747-600). En réalité, les choses se sont nouées le 6 novembre quand Airbus, le concurrent européen, le seul vrai concurrent de Boeing, a annoncé son contrat « historique » avec USAir : 400 appareils vendus, dont 120 commandes fermes. Attaqué sur son propre marché, Boeing ne pouvait pas ne pas réagir. Déjà fortement avantagé par le cours – bas – du dollar, le constructeur de Seattle va pouvoir bénéficier d'importantes économies d'échelle. Ainsi, il sera en mesure de diversifier sa gamme et d'offrir à sa clientèle des modèles nouveaux à peu près tous les deux ans. Or tous les experts s'accordent pour reconnaître que le marché aéronautique va connaître dans les années à venir une forte expansion.