Journal de l'année Édition 1997 1997Éd. 1997

La triste affaire du Foncier, un désastre pour le contribuable et les salariés, est le troisième exemple consécutif de la quasi-faillite d'un grand établissement de crédit sous contrôle de la puissance publique – après ceux du Comptoir des entrepreneurs et du Crédit Lyonnais.

La Cour des comptes a donc décidé d'ouvrir une enquête sur le fonctionnement de la Commission bancaire, qui aurait dû, dans tous les cas, tirer la sonnette d'alarme ; et qui répugne toujours à se remettre en cause.

Quant au Trésor, qui est l'administration de tutelle des banques publiques, il est également dans le collimateur.

Le gouvernement engage des poursuites contre les anciens dirigeants du Crédit Lyonnais pour « défaut de contrôle des filiales ». Cette procédure est sans précédent dans un milieu feutré et où l'esprit de corps (l'Inspection des finances), voire de caste, a toujours empêché que le linge sale soit lavé ailleurs qu'en famille. L'ouverture d'un procès de Jean-Yves Haberer, l'ancien président du Lyonnais, ne manquera pas de conduire à un grand déballage dans lequel la tutelle ne sera pas épargnée. À l'époque, Jean-Claude Trichet était directeur du Trésor. Aujourd'hui gouverneur de la Banque de France et président de fait de la Commission bancaire, il essuie les critiques directes du président de la République. Jacques Chirac lui reproche de ne pas accompagner la politique de relance du gouvernement et de manquer d'audace dans la gestion des taux d'intérêt. D'aucuns considèrent que ces attaques en règle (mais tardives) contre ceux qui dirigeaient ou contrôlaient le Lyonnais n'ont eu comme objectif que de préparer les contribuables et les salariés de la banque à l'annonce d'un troisième plan de sauvetage.

En effet, les bénéfices (13 millions de francs en 1995) de la banque restent symboliques. Le résultat du premier semestre aurait été largement dans le rouge si, une nouvelle fois, l'État n'était venu à la rescousse. Cette fois, le chèque est de 3,9 milliards de francs.

Cette somme correspond à la charge du prêt consenti par le Crédit Lyonnais à la structure qui doit vendre ses actifs non bancaires dans le cadre de son plan de redressement et qui s'avère plus lourde que prévu.

Dans la foulée de cette neutralisation du coût de refinancement du prêt, le ministre de l'Économie annonçait une privatisation « aussi proche que possible ». Avant cela, la banque va devoir faire de nouveaux sacrifices, et l'État, mettre sur pied un troisième plan de sauvetage. Jean Peyrelevade assure que, dans deux ans, son établissement fera envie...

Comme un malheur ne vient jamais seul, dimanche 5 mai 1996, ce qui faisait encore la grandeur du Lyonnais part en fumée. Le prestigieux siège du boulevard des Italiens, à Paris, prend feu à la suite, semble-t-il, d'un court-circuit dans la salle des marchés. Il faudra plus de dix heures à 300 pompiers pour circonscrire le sinistre. Bilan : 43 personnes sont intoxiquées par la fumée ou blessées. Une gigantesque colonne de fumée noire, visible de partout dans Paris, s'élève au-dessus du quartier de l'Opéra.

Heureusement, la magnifique façade et le grand escalier n'ont pas trop souffert ; mais le reste du bâtiment est détruit. Le temps étant de l'argent, alors même que les flammes ravageaient tout, la direction du Crédit Lyonnais décidait d'activer une salle de marché secrète située non loin de Paris. Le lundi matin, dès l'aube, les « traders » travaillaient déjà – comme si de rien n'était.

Philippe Lecaplain
Journaliste à Radio-France internationale

Embellie à la Bourse de Paris

Le palais Brongniart retrouve des couleurs après deux années de pertes (– 1,6 % en 1995 et – 17 % en 1994). L'indice CAC 40 a augmenté d'environ 15 %, retrouvant son niveau de février 1994, quand il était à son plus haut historique. Mais on est encore loin des 32 % de hausse de 1993.

Cette reprise s'explique par la baisse des taux d'intérêt et l'amélioration progressive du résultat des entreprises. La perspective d'opérations financières avec les concentrations d'entreprises et les privatisations a ranimé une certaine spéculation. Les introductions en Bourse se sont développées. Toutefois, la Bourse de Paris reste une fois de plus à la traîne des autres places financières. New York, Londres, Francfort et Tokyo ont toutes battu des records historiques. C'est ainsi qu'à Wall Street le Dow Jones a franchi à l'automne pour la première fois la barre des 6 400 points. À l'inverse, pour son 100e anniversaire, le plus vieil indice boursier de la planète avait eu un coup de déprime en raison de liquidations provoquées par le dérapage du marché obligataire et des prises de bénéfices après un certain nombre de gains. Deux mois plus tard, en juillet, Wall Street plongeait à nouveau de 3 % en une seule séance, en raison, paradoxalement, de l'annonce de bons résultats sur l'emploi aux États-Unis. Les boursiers ont craint une surchauffe de l'économie et les taux d'intérêt ont connu une brusque envolée. Comme à l'accoutumée, l'onde de choc se propagea au monde entier. Francfort perdit 3 %, Paris 2 %, etc. La faute à la mondialisation de l'économie.

Philippe Lecaplain