Mais les gouvernements des NPI doivent faire face à des tensions nouvelles, principalement des pressions inflationnistes et une détérioration des comptes extérieurs. En effet, le plein emploi (le taux de chômage ne dépasse pas 2 %) et la montée des prix des importations (libellés en yens) exercent une pression sur les prix. Pour faire face à ces nouveaux déséquilibres, la plupart des gouvernements ont recours à l'arme monétaire, en relevant leurs taux d'intérêt.

Les investisseurs internationaux, qui s'étaient rués sur la Chine il y a deux ans et en Inde l'année dernière, jettent leur dévolu en 1995 sur les sept nations membres de l'ASEAN (Indonésie, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande, Brunei et, depuis juillet 1995, Viêt Nam).

La crise bancaire

Singapour se signale aussi par les agissements du courtier d'une prestigieuse banque britannique : avec la chute du Nikkei (l'indice de la Bourse japonaise), Nick Leeson a perdu sur la place des sommes telles qu'il entraîne la faillite de la Barings. En octobre, la banque japonaise Daiwa reconnaît les pertes énormes dues à son courtier de New York. Les financiers s'inquiètent de l'insuffisance des contrôles et du risque d'emballement d'un marché de pure spéculation, celui des produits dérivés (contrats assurant les pertes liées à l'activité en Bourse). Fragilisées par le manque de fonds propres, plusieurs banques d'affaires de la City passent sous le contrôle de banques commerciales, allemandes, suisses ou néerlandaises (comme ING, qui rachète la Barings). Des rapprochements s'opèrent : les américains Chemical Banking et Chase Manhattan fusionnent, comme les japonais Mitsubishi Bank et Bank of Tokyo. Face à cette restructuration mondiale, le système bancaire français paraît très éclaté ; le chiffre d'affaires du secteur a reculé, les marges se réduisent, la concurrence favorise la disparition de banques privées (Pallas Stern notamment, terrassée par la crise de l'immobilier) et provoque de rudes polémiques sur le coût très élevé du sauvetage du Crédit lyonnais (45 millions de francs d'aide publique).

La Chine et l'OMC

Au 1er janvier 1995, la nouvelle Organisation mondiale du commerce (OMC) entre en fonction ; l'Italien Renato Ruggiero en est nommé directeur général en mars. La question de l'entrée de la Chine au sein de l'organisation constitue le principal sujet des discussions en octobre entre les négociateurs des quatre grandes puissances commerciales (États-Unis, Union européenne, Japon et Canada). Les Occidentaux réitèrent leur souhait de voir Pékin réaliser les réformes nécessaires (ouverture de son marché, mesures contre le piratage et la contrefaçon...) avant une adhésion qui aura probablement lieu en 1996.

Sur le plan du commerce mondial, l'année 1995 reste bien orientée, quoique en léger retrait par rapport aux performances enregistrées en 1994 : la progression des échanges de biens manufacturés s'établit à 9 % (contre 11 % en 1994). Si l'Europe continentale ainsi qu'un certain nombre de pays d'Afrique et d'Asie continuent d'importer à un rythme soutenu, l'Amérique du Nord voit ses importations se tasser, en raison du ralentissement de l'économie, de même que nombre de pays en développement d'Amérique latine, affectés par les plans d'ajustements mis en œuvre en début d'année.

Des lumières en Europe de l'Est, des lueurs en Russie

Le retour de la croissance dans les pays d'Europe centrale et orientale, constaté en 1994, se confirme en 1995, à l'exception notable de la Hongrie. Meilleur élève, la République tchèque bénéficie de fondamentaux solides (inflation sous la barre des 10 %, excédent budgétaire, chômage de 4 %, etc.) et enregistre une croissance de l'ordre de 4 %. Globalement, les pays d'Europe centrale et orientale (PECO) bénéficient de la demande bien orientée de la part des pays de l'Union européenne : République tchèque, Slovénie, Pologne et Hongrie y réalisent désormais plus des deux tiers de leurs exportations.

La mauvaise surprise vient de la Hongrie, qui fut pourtant l'un des premiers pays de l'ancien bloc communiste à entreprendre les réformes de transition. Pour faire face à un déficit courant massif (9,5 % du PIB), le gouvernement doit appliquer une politique de rigueur. Dévaluation du forint en mars, restrictions budgétaires et compression de la masse salariale se soldent par un effet déflationniste sur l'économie : la croissance est quasiment nulle en 1995.