Deux pays se préparent à leur prochaine élection présidentielle. Au Chili, les primaires du 23 mai au sein de la « Concertation » de centre gauche, qui regroupe 16 partis, ont donné sans surprise la victoire au candidat de la démocratie chrétienne, Eduardo Frei (fils du président du même nom), qui devrait être élu en décembre contre le candidat de la droite, Arturo Alessandri. Au Mexique, la nervosité du pouvoir s'accroît à l'approche des élections présidentielles (août 1994), tandis que la politique d'ouverture du président Salinas à l'égard de l'opposition (celle-ci a conquis, sous son mandat, 3 des 31 États de la fédération) mécontente l'aile conservatrice du parti officiel (PRI). Les pressions s'accroissent sur les médias audiovisuels, tenus en laisse depuis toujours, et toutes les élections locales, traditionnellement entachées d'irrégularités, suscitent d'âpres contestations chez les partis d'opposition, de droite (PAN) comme de gauche (PRD).

Mexique

L'assassinat, le 24 mai, du cardinal Posada, archevêque de Guadalajara, et de six autres personnes, sur l'aéroport de la ville, a fait l'objet de déclarations embarrassées et contradictoires de la part du gouvernement de Carlos Salinas. La version selon laquelle le prélat aurait été la victime imprévue d'un règlement de comptes entre trafiquants de drogue n'a pas convaincu tout le monde, pas plus que les conditions de l'arrestation, au Guatemala, de l'un des coupables présumés. Ce grave incident révèle en tout cas au grand jour le développement, dans ces dernières années, de la mafia de la drogue au Mexique, devenu l'une des plaques tournantes du trafic vers les États-Unis. Il a également mis en évidence le souci de Salinas de ne pas compromettre les bonnes relations nouvellement établies entre l'État et l'Église mexicaine. Pour la première fois depuis plus d'un siècle, le président de la République s'est rendu dans une église pour assister aux obsèques du cardinal.

Reflux des guérillas

Depuis l'arrestation, en septembre 1992, du chef historique du Sentier lumineux, Abimael Guzman, la guérilla péruvienne (responsable de plus de 20 000 morts en dix ans) connaît un reflux certain. Les actions terroristes ont diminué d'intensité, et les Péruviens n'ont plus peur du Sentier lumineux. L'organisation des groupes d'autodéfense paysans a joué ici un rôle décisif, ainsi que le développement de l'action civile avec l'aide de l'armée. Le recul du terrorisme est un succès pour le président Alberto Fujimori, dont la popularité ne se dément pas en dépit des critiques que lui adresse la classe politique, depuis son coup d'État d'avril 1992, sur sa « dictature constitutionnelle ».

En Colombie, le gouvernement du président César Gaviria n'a pas consenti à reprendre les négociations avec les guérilleros de l'ELN malgré la campagne d'intimidation (vague d'attentats à Bogota en septembre) menée par le mouvement castriste, qui décline. Cependant, l'année aura été particulièrement éprouvante pour les Colombiens du fait de la violence aveugle déployée par les narcotrafiquants. On ne compte plus les attentats à la voiture piégée et les assassinats à Medellin et dans la capitale. Mais les moyens policiers et militaires exceptionnels mis en place à partir du printemps ont permis de démanteler en partie le cartel de Medellin et d'isoler encore un peu plus son chef en fuite, Pablo Escobar, dont la tête est mise à prix 12 millions de dollars. Escobar sera finalement abattu le 2 décembre. Toutefois, un nouveau cartel s'est constitué à Cali.

Instabilité politique

Le retour ou le maintien de la démocratie ne sont pas garants de stabilité politique. Le 30 décembre 1992, le Sénat brésilien a rendu son verdict concernant le président déchu Fernando Collor, reconnu coupable de corruption et condamné à huit ans de suspension de ses droits civiques. La « révolution morale » n'a cependant pas restauré la confiance dans la classe politique brésilienne, et l'état de grâce du président intérimaire Itamar Franco n'aura duré que quelques semaines. Les crises ministérielles se sont succédé et le président a été éclaboussé par des scandales financiers. Le gouvernement, très fragilisé, est donc réduit à la gestion des affaires courantes en attendant les prochaines élections générales. Les Vénézuéliens ont suivi l'exemple brésilien en suspendant de ses fonctions Carlos Andres Perez sous l'accusation de malversations (21 mai). Le président intérimaire, Ramon Velasquez, désigné le 4 juin par le Congrès, doit faire face à une situation économique et sociale explosive, qui attise le mécontentement des militaires.

Référendum

Au Brésil, le référendum constitutionnel du 21 avril a donné à 90 millions de citoyens l'occasion de choisir entre tous les systèmes politiques existants. La république a été plébiscitée par 68 % des votants contre la monarchie constitutionnelle (12 %). Seulement 25 % des Brésiliens se sont prononcés en faveur d'un régime parlementaire, et 57 % pour le système présidentiel actuel. Mais les 20 % d'abstentions et les 20 % de votes blancs ou nuls ont manifesté soit le rejet de la politique, soit l'incompréhension de bien des électeurs à l'égard des questions posées.

Amérique centrale

La situation est contrastée dans cette zone traditionnellement instable et en proie à des guerres civiles inexpiables. Le Salvador, depuis la signature d'un accord entre le gouvernement et les guérilleros du FMLN en février 1992, semble avoir exorcisé ses démons. Tandis que la guérilla détruisait ses dernières armes et que l'armée réduisait ses effectifs de moitié (de 68 000 à 31 500 hommes), la « commission de la vérité » de l'ONU a publié en mars son rapport sur les violations des droits de l'homme depuis 1980, recommandant la destitution d'une quarantaine d'officiers supérieurs. La création de la Police nationale civile, qui recrute des ex-guérilleros, des ex-soldats et 60 % d'hommes n'ayant pas pris part à la guerre civile, doit garantir le succès durable du plan de paix. Des élections générales sont prévues en 1994, auxquelles participera le FMLN reconverti en parti politique démocratique.