Avec des nuances, aucun observateur ne pense sérieusement que l'économie japonaise soit en voie de désintégration ou puisse s'effondrer comme un château de cartes. L'archipel n'en est pas moins arrivé à un palier : initialement engagé dans une politique de « purge » des effets de la bulle monétaire, le Japon est entré dans un cycle de récession qui s'est accéléré au cours de la seconde moitié de 1993, et auquel trois plans de relance successifs, dont le dernier a été annoncé en septembre à la veille du voyage de M. Hosokawa à Washington, ne semblent pas remédier. Le Japon doit faire face à une situation qu'il n'avait jusqu'à présent pas expérimentée et qui appelle des changements drastiques, non seulement de sa machine productive (comme ce fut le cas lors des récessions précédentes), mais aussi – ce qui est nouveau – dans ses équilibres sociaux.

Discrète rentrée en scène en Asie

La participation d'un contingent de soldats nippons aux opérations de paix au Cambodge est symptomatique d'une orientation que tendent à confirmer des actions symboliques (telles que les efforts de Tokyo pour contribuer à la sauvegarde des monuments culturels de la région comme Angkor). Un renforcement du dialogue politique entre le Japon et les pays de l'Asie du Sud-Est était d'ailleurs le message du Premier ministre Miyazawa au cours de sa tournée asiatique en janvier. Pendant les trois dernières années, les investissements japonais dans le monde ont diminué. Excepté en Asie. En 1992, les implantations en Chine avaient triplé pour atteindre 2,2 milliards de dollars. Au cours de la même année, les échanges avec les « trois » Chine (Hongkong, Taïwan et le continent) se chiffraient à 84,9 milliards de dollars, soit une augmentation de 18 %.

Le yen

L'appréciation de la monnaie nipponne par rapport au dollar (plus de 20 % en un an) affecte les industries exportatrices, mais elle ne suffira sans doute pas, à elle seule, à modifier durablement l'équilibre de la balance des paiements (l'excédent s'oriente vers les 150 milliards de dollars en 1993). Les coûts de la main-d'œuvre sur l'archipel sont cependant désormais comparativement les plus élevés du monde et les entreprises accélèrent les délocalisations. Au choc de la valorisation du yen s'ajoutent un système bancaire affaibli par les mauvaises dettes héritées de la « bulle monétaire » et un recul des investissements productifs. Le rétablissement de la situation du système financier prendra du temps. En revanche, la baisse sensible (– 2,3 %) des investissements doit être nuancée : jusqu'en 1991, le Japon a connu une période de plusieurs années de surinvestissements qui constituent de sérieux acquis pour les industriels dans leurs efforts de redéploiement.

Débat

Le Japon est en effet confronté à des choix de société dont dépendra le redressement de son économie : il lui faut modifier l'allocation des ressources nationales trop longtemps axée sur les gains en productivité. Les industries exportatrices ont absorbé la richesse nationale au détriment des infrastructures.

Le débat engagé au sein des instances dirigeantes, politiques et économiques, sur la répartition de la richesse repose sur une question de fond : une modification des données du « contrat social » nippon qui met l'accent sur le maintien de l'emploi en échange d'une croissance modérée de la consommation et d'une couverture sociale modeste. Jusqu'à présent, le meilleur filet de protection sociale a été la croissance. Or, celle-ci n'est plus au rendez-vous (elle sera inférieure à 1,5 % en 1993).

Personne, pour l'instant, n'envisage un bouleversement du « contrat social » nippon : l'évolution sera graduelle. Ce qui se joue, c'est moins une remise en cause des données de base de ce « contrat » qu'une modification de la répartition de la richesse entre les différentes couches de la population, avec pour toile de fond un renouvellement de la base électorale : après la paysannerie et le petit commerce, ce sont les nouvelles couches moyennes salariées que courtisent les partis.