Finalement, après d'intenses tractations, la date des élections est définitivement fixée le 2 juillet, pour le 27 avril 1994, sans le soutien de l'extrême droite et de l'Inkhata qui se retirent des négociations. L'accord est tout de même célébré par les négociateurs de l'ANC et du gouvernement qui, contre toutes les pressions, maintiennent leur partenariat.
Le débat reprend immédiatement, avec, en ligne de mire, la rédaction d'une Constitution intérimaire devant régir l'Afrique du Sud pendant la période transitoire. Cependant la violence, cette fois contre la communauté blanche, alourdit de nouveau le climat politique. Le 27 juillet, 12 personnes sont tuées et 52 autres blessées au cours d'un massacre perpétré dans une église de la région du Cap par 5 Noirs. Si l'identité n'est pas déterminée, l'attentat s'ajoute à la liste des agressions contre les Blancs, souvent attribuées à la branche armée du Congrès panafricaniste d'Azanie (PAC), un mouvement noir radical qui participe toutefois aux négociations. Un tel incident sert donc, à l'évidence, le jeu d'une extrême droite se disant prête à prendre les armes pour obtenir la prise en compte de ses exigences.
Une fois de plus pourtant, les discussions constitutionnelles se poursuivent. Elles aboutissent, le 7 septembre, à un accord historique. Les négociateurs présents à Kempton Park, à l'exception du Parti conservateur et de l'Inkhata, s'accordent sur l'installation d'un Conseil exécutif de transition (TEC) devant permettre enfin la participation des Noirs au pouvoir. Première ébauche d'un gouvernement d'unité nationale, destiné à créer les conditions adéquates pour la tenue d'élections libres et justes, le Conseil exécutif de transition n'est, en principe, qu'un organe consultatif parallèle au cabinet de Frederik De Klerk. Mais, élément essentiel, il dispose d'un droit de veto sur des questions aussi cruciales que les finances, les affaires étrangères ou la loi et l'ordre, qui ne peut être levé qu'avec l'accord de 75 % de ses membres. La voie est donc ouverte pour la levée des dernières sanctions économiques que demande, quelques jours plus tard, le président de l'ANC. Enfin, le 18 novembre, la majorité des partis politiques acceptait un projet de Constitution intérimaire faisant de larges concessions aux tenants – blancs et zoulous – d'un État décentralisé.
Fragile stabilité
Jamais donc l'avènement d'une Afrique du Sud débarrassée de l'apartheid n'aura été aussi proche. Mais rarement également les forces opposées au changement, à savoir l'extrême droite blanche et le mouvement zoulou Inkhata, n'en auront aussi ouvertement menacé la concrétisation. Et le fait que des dirigeants de l'ANC acceptent de rencontrer leurs homologues de l'extrême droite pour discuter de la création d'un État blanc, à la mi-septembre, montre, même si les pourparlers ont très vite capoté, à quel point les négociateurs sont obligés de composer pour préserver la fragile stabilité de la transition démocratique.
L'attribution du prix Nobel à Nelson Mandela et à Frederik De Klerk a consacré l'association de ces deux hommes décidés, malgré les obstacles, à trouver coûte que coûte un terrain d'entente. Un événement qui a cependant davantage ému la communauté internationale que l'opinion sud-africaine.
Christophe Champin