En dévoilant ces mesures, A. Carignon avait rappelé le poids économique et social de la presse écrite (56 milliards de chiffre d'affaires, 56 000 emplois directs, 200 000 emplois indirects) mais également son rôle de baromètre de notre démocratie.
Une presse « pour marginaux » vivace
Alors que la plupart des grands groupes de presse devaient faire face à la chute des recettes publicitaires et surtout à l'effondrement du marché des petites annonces, des éditeurs imaginatifs sont partis à l'assaut des kiosques avec des formules et des cibles nouvelles.
Le mensuel Rebondir, « journal des chômeurs », a été lancé le 5 janvier par Bernard Lobry. L'objectif du fondateur du magazine Défis était « de dédramatiser le chômage et de l'appréhender comme une étape de la vie » pendant laquelle il fallait « explorer, apprendre, comprendre, agir et surtout vivre ». Après six mois d'existence, Rebondir comptait 12 500 abonnés et une diffusion de 250 000 exemplaires par mois. Forte de ce bilan, la revue affirmait sa volonté de persévérer à proposer des pistes et des méthodes, et à donner des informations concrètes pour « que le chômeur trouve les moyens de s'en sortir lui-même ».
Le premier numéro du mensuel Macadam Journal « le journal des sans domicile fixe », est sorti le 11 mai. Principe : les SDF l'achètent deux francs puis le revendent dix francs dans les rues, la différence leur revenant. C'est Jacques Chamut, patron d'une société belge spécialisée dans la communication d'entreprise, qui a eu l'idée de lancer ce journal en France et en Belgique après avoir constaté la réussite de Street News à New York. Les tirages des trois premiers numéros ont été en hausse constante, passant de 100 000 à 400 000 exemplaires, alors que le prix auquel les SDF l'achetaient grimpait de 2 à 4 F. Au sommaire, l'emploi, bien sûr, mais également les problèmes de société.
Le succès de Macadam Journal a suscité des vocations. En septembre paraissait le Réverbère, dont le tirage est plus faible et qui est vendu aussi par des SDF ; son contenu, nettement plus militant, s'adresse aux jeunes urbains avec bonnes adresses et conseils sociaux. Rédigé par des SDF, le Réverbère espère investir ses bénéfices dans l'achat de péniches destinées aux sans-logis. Dernière venue sur ce créneau, la Rue a fait son apparition fin octobre. Quant au quotidien d'informations générales le Jour, il a été lancé le 25 mars par Jean-Christophe Nothias avec l'appui d'investisseurs privés et institutionnels. Se définissant comme un journal de proximité, ce nouveau titre consacre neuf pages sur seize à l'information en région parisienne, tout en tenant compte de l'actualité française, européenne et mondiale. Vendu 4 francs, il annonçait une diffusion globale de 10 000 exemplaires avant de disparaître à l'automne.
Michel Embareck