La défense n'est pas homogène. Les uns nient les faits. D'autres les reconnaissent en les minimisant, mais tous soulignent les difficultés que soulève le fameux article 10-1 de la loi sur les délits d'initié. « Il y a quelque chose de diabolique avec le délit d'initié, expliqua Me Loirette, car la Bourse, ce bocal effervescent, fourmille en permanence de rumeurs, de tuyaux, etc. » Ce que résume fort bien Me René Bouvier en disant : « La Bourse est un champ de course où l'on joue comme on aime. » Les avocats de la filière libanaise, avec un bel ensemble, attaquent, et le travail du juge d'instruction et celui du ministère public. Selon eux, l'instruction a été partielle, partiale et lacunaire. On n'a pas interrogé Chaker Koury, l'IDB d'Anguilla n'est pas une banque de paille. Vis-à-vis de Samir Traboulsi, l'instruction s'est montrée raciste : « C'était le plus intéressant sur le plan médiatique. Il est arrivé devant vous moralement condamné. Mais jusqu'à présent, être libanais, riche et intermédiaire n'est pas une présomption de culpabilité. »
De tous les défenseurs, Me Thierry Lévy est le plus politique. Selon lui, son client Alain Boublil a été pris en otage et diabolisé : « En fait, la cible, c'était François Mitterrand. Tout ce que l'on reproche à Alain Boublil, on peut le reprocher à Pierre Bérégovoy : son amitié avec Samir Traboulsi comme celle avec Roger Patrice Pelat. » Et Me Thierry Lévy d'évoquer le fameux prêt d'un million de francs accordé par Roger Patrice Pelat à Pierre Bérégovoy. Et de réclamer la réhabilitation de son client.
Surprise : pour Max Théret et Robert Reiplinger, Me Henri Leclerc et Me Michel Blum ne s'attaquèrent ni au juge d'instruction ni au procureur couvert d'éloges. Les déclarations de leurs clients ne sont pas crédibles. Mais, s'ils ont menti et se taisent, c'est par honneur et par fidélité. Pour ne pas accuser un mort (Roger Patrice Pelat) ni enfoncer un parti.
Le 29 septembre 1993, à 9 h 30, le tribunal rend son jugement. Alain Boublil est relaxé du délit d'initié au bénéfice du doute. Tout comme Leo From. Tous les autres prévenus sont condamnés, mais à des peines et amendes bien plus faibles que celles réclamées par le ministère public. Il n'y a aucune peine de prison ferme. Proportionnellement, ce sont les petits initiés qui sont le plus lourdement condamnés. Presque tous font appel. Bref, un jugement de cohabitation.
Pour le procès Villemin, voir chrono 16/12.
L'Affaire Pechiney, par Roland Jacquard et Dominique Nasplezes, éditions Jean Piccolec.
Les Possédés de Wall Street, par Dominique Nora, Denoël, un livre de 1987 sur les initiés de la Bourse de New York.
Renaud Vincent
Journaliste à France Soir
L'affaire Fiona Jones
Jugée à Beauvais le 31 mai 1993, l'affaire Fiona Jones restera comme un modèle d'enquête policière aux allures de conte de fées. Comme dans « Cendrillon » de Charles Perrault, c'est une chaussure qui donne la solution. Elle ne conduit cependant pas à une princesse, mais à un assassin.
Le 14 août 1989, Fiona Jones, la jolie jeune femme d'un paysagiste anglais, disparaît près de Beauvais. La dernière personne à l'avoir vue la signale à bicyclette près d'un champ de maïs, à Maretz-sur-Mat, discutant avec le conducteur d'une Golf blanche. Dans le fossé du champ, on retrouve un bijou de la jeune femme et une chaussure d'homme.
Comme il y a plus de 12 000 Golf blanches dans le département de l'Oise, les gendarmes se concentrent sur la chaussure. Il s'agit d'une chaussure de marque Arcus de taille 44, de couleur vert améthyste, modèle 88-89. Selon le fabricant, 152 paires de cette taille et de cette couleur ont été vendues en France.
Commence alors, de Tahiti à Dunkerque, la tournée des détaillants. Trois mois plus tard, à Dieppe, chez le soixante-seizième commerçant, la chance sourit. Dans sa comptabilité, le vendeur retrouve le numéro de carte bancaire du jeune homme qui, le 21 avril 1989, lui a acheté une paire de cette taille et de cette couleur. Il s'appelle Frédéric Blacque. Il habite Beauvais. Il possède une Golf blanche. Dans le coffre de sa voiture, il reste des taches de sang... Il avoue. Dans sa lutte avec la jeune femme, il a perdu sa chaussure droite et n'a pas su la retrouver dans l'herbe verte avec laquelle elle se confondait...
Frédéric Blacque a été condamné le 31 mai 1993 à quinze ans de réclusion criminelle.