Journal de l'année Édition 1992 1992Éd. 1992

Le second débat, qui a mis en scène non seulement les parlementaires, mais de nombreux ministres, des élus locaux, la Cour des comptes et l'opinion publique, est de nature financière et fiscale, le poids des collectivités locales étant de plus en plus lourd dans l'économie nationale. Avec en arrière-plan, naturellement, les échéances de mars 1992, à savoir les élections cantonales et régionales.

Si les 36 763 communes peuvent être considérées comme une richesse démocratique et une partie intégrante du patrimoine historique, politique et institutionnel, à l'évidence cet éparpillement se concilie mal avec l'efficacité économique, l'ouverture de services élémentaires à la population, la concurrence internationale. C'est pourquoi la loi « Joxe... Marchand » cherche, tout en ne revenant pas sur les principes de base de la décentralisation, à inciter les petites entités rurales à créer des communautés de communes et, en milieu urbain, à mettre en place des communautés de villes.

Faire jouer la concurrence

Parallèlement, plusieurs dispositions sont prises pour mieux répartir entre les communes associées les ressources des taxes professionnelles, le principal impôt direct perçu par les collectivités locales.

Qu'il s'agisse des villes, départements ou régions, leur importance dans la vie nationale s'accroît chaque année. Le ministre de l'Éducation nationale, M. Lionel Jospin, a négocié avec chaque conseil régional un schéma de développement universitaire. Dix contrats régionaux ont été conclus le 3 octobre et dix autres le 28 novembre. Seuls, les schémas de Corse et d'Île-de-France n'avaient pas été signés à Noël. Au total, sur 22 milliards de F qui seront investis – pour 20 régions – d'ici à 1995 en faveur de l'enseignement supérieur, plus de 12 proviendront des conseils régionaux. Pour tous les élus locaux, la présence d'établissements de recherche, d'IUT et d'universités est un atout capital en ce qui concerne l'aménagement du territoire. La Haute-Normandie, le Poitou-Charentes ou Midi-Pyrénées font, sur leurs propres budgets, des efforts particulièrement sensibles.

Même implication de plus en plus marquée des régions dans la construction et l'entretien des lycées. Elles y consacrent 19,2 milliards de F en 1991, sur une dépense totale de 54,7 milliards, soit une progression de 23,5 % par rapport à 1990, la Picardie, la Haute-Normandie et l'Île-de-France étant en tête de l'effort par tête d'habitant. On pourrait multiplier les exemples – collèges, routes, lignes de TGV, équipements culturels ou sportifs, aide sociale, subventions aux petites entreprises qui investissent dans le monde rural – dans lesquels l'État fait jouer la concurrence, voire la surenchère entre villes ou entre régions.

Des risques d'explosion

Trois événements auront, en outre, marqué l'année 1991 :
– Le « scandale » d'Angoulême, puisque le nouveau maire, le centriste Georges Chavanes, a trouvé en 1989 une ville que son prédécesseur socialiste Jean-Michel Boucheron avait laissée en quasi-faillite. Il lui a fallu mener des négociations ardues avec le gouvernement, les principaux créanciers (avec en tête le Crédit Local de France), les magistrats de la Chambre régionale des comptes et, bien sûr, le personnel municipal. Un accord sur les remises de dettes, assorti d'un plan d'austérité municipal et d'une aide de l'État, a pu être finalement trouvé. Et, comme s'il avait une dette à payer à Angoulême, le gouvernement a décidé de décentraliser dans cette ville la SEITA, avec, à la clé, plusieurs centaines d'emplois.
– La privatisation partielle et la mise en Bourse – portant sur 27 % du capital – du Crédit Local de France, l'action étant vendue 210 F.
– La remise au président de la République le 25 novembre par Pierre Arpaillange, premier président de la Cour des comptes, d'un rapport très sévère sur « la gestion de la trésorerie et de la dette des collectivités territoriales ». Derrière ce titre fort technique, les magistrats dénoncent l'extraordinaire complexité des procédures financières entre l'État et les collectivités, l'empilement des dispositions successives, et le verdict des juges est aussi sévère pour l'État, notamment pour la direction du Trésor, que pour les collectivités.