Les exemples suivants montrent qu'il est temps de prendre conscience des dangers auxquels nous expose la pollution des eaux. En Bretagne, dans les Côtes-du-Nord et dans le Morbihan, la concentration en nitrates atteint localement 100 mg par litre (la société d'eau minérale Katell-Roc a dû renoncer à l'exploitation de sa source du Lizio !), et en Hollande, 480 mg/l, alors que la directive de la CEE réglementant la qualité des eaux, qui date de 1982, avait fixé comme teneur maximale 50 mg/l. Or ces nitrates, que l'on retrouve aussi dans les légumes, seraient cancérigènes chez l'homme comme chez l'animal et menaceraient les bébés de méthémoglobinémie (la maladie bleue), qui se traduit par des difficultés respiratoires et des vertiges.

Le Rhin, fleuve international, siège d'une intense activité économique et industrielle et qui arrose les grandes agglomérations que l'on sait, transporte chaque année jusqu'en mer du Nord une quantité considérable de substances polluantes dont 1 100 000 t de chlorures et 3 500 t de phosphates, issus de l'exploitation des potasses d'Alsace, 450 t de cuivre et 10 t de cadmium. Fin octobre et début novembre 1986, près de Bâle, plus de 30 t d'insecticides et de fongicides à base de mercure s'étaient déversés dans le Rhin après l'incendie d'une des usines du groupe Sandoz. Le fleuve avait été stérilisé sur des dizaines de kilomètres...

On pourrait également citer le Pô, le Danube, le lac Baïkal ou le lac Michigan, dont les eaux sont si polluées que faune et flore, déjà très appauvries, sont condamnées à disparaître à plus ou moins long terme.

...des golfes pas très clairs !

Les océans dans lesquels sont apparues les premières manifestations de la vie, les océans qui participent à l'alimentation des hommes, les océans qui, avec la Terre et l'atmosphère, jouent un rôle déterminant dans l'équilibre climatique sont eux aussi menacés, directement ou indirectement, par les activités humaines.

C'est la zone de contact entre les océans et les continents, là où les eaux marines sont les moins profondes – il s'agit de la province néritique dont l'extension coïncide avec celle du plateau continental – qui concentre l'essentiel des ressources marines vivantes, renouvelables mais non illimitées. C'est dans ces eaux côtières que les algues, fixées, en suspension ou flottantes, jouent un rôle considérable dans le cycle du carbone de la biosphère : la quantité de CO2 qu'elles transforment en matière organique par photosynthèse est en effet supérieure à celle que la végétation terrestre absorbe. Mais ces eaux côtières, où sont pratiquées la pêche, l'ostréiculture, la mytiliculture, l'aquaculture, où la circulation des bateaux est de plus en plus importante, ces littoraux où se développent les activités portuaires et industrielles, balnéaires et touristiques, sont des milieux menacés dans leur équilibre précaire par des pollutions variées en progression constante.

Ainsi peut-on citer les apports fluviatiles en sédiments, en engrais, en métaux lourds et en produits dissous de toutes sortes ; les apports atmosphériques en polluants métalliques ou chimiques (détergents, pesticides) ; les apports de matières organiques associées à des micro-organismes pathogènes (près des villes côtières) ; ou la pollution thermique consécutive au rejet d'eau de mer utilisée pour le refroidissement des installations industrielles ou de centrales thermiques.

À cette liste, qu'il faudrait détailler, s'ajoute la pollution par les hydrocarbures, rendue tristement célèbre par la longue série de marées noires spectaculaires provoquées, depuis 1968, par le naufrage ou l'échouage de pétroliers : Amoco Cadiz (250 000 t de brut en 1978, au large des côtes bretonnes), Bahia Paraiso (28 janvier 1989 – 1re marée noire observée en Antarctique), Exxon Valdez (35 000 t de brut – détroit du Prince William, Alaska, 24 mars 1989), World Prodigy (Newport-Rhode Island, 23 juin 1989), Texas (chenal de Houston au golfe du Mexique, 23 juin 1989), Presidente Rivera (baie de la Delaware, 24 juin 1989), Kharg 5 (70 000 t de brut au large de la côte atlantique du Maroc, 19 décembre 1989...).