C'est surtout en Europe que cette stratégie a été utilisée, en prévision du marché unique de 1993. En effet, rien que pour le premier semestre, près de 600 opérations de fusion et d'acquisitions transfrontalières diverses ont été recensées dans la CEE. Toutes ne présentent pas la même importance et beaucoup concernent des entreprises de taille moyenne, mais elles totalisent tout de même la somme de 108,2 milliards de francs. À l'image du rachat de l'Italien Galbani par la famille Agnelli (Fiat) alliée à BSN, l'agroalimentaire vient en premier avec plus de 25,3 milliards de francs. Les banque, les assurances, la construction suivent loin derrière (7 milliards).

Dans ce mouvement, la France arrive en tête des fusions-acquisitions en valeur avec 28,8 milliards de francs, devançant les États-Unis (25,4 milliards) et la Grande-Bretagne (23,1 milliards). Le Japon occupe la sixième place derrière l'Italie et la Suède avec un volume d'affaires de 5,3 milliards de francs. Beaucoup de ces opérations réalisées par des entreprises françaises ont été menées en terrain étranger. Ainsi, Valeo (équipement automobile) a racheté Delanair en Grande-Bretagne et s'est alliée à Nippon Denso en Espagne ; Lafarge (ciments) s'est implanté en Suisse, en Italie et même en Turquie.

La course au gigantisme lancée par les grandes entreprises s'est poursuivie en RFA avec la fusion spectaculaire Daimler-Benz-MBB (alliance automobile-aéronautique) et le contrôle par GEC-Siemens du fabricant électronique Plessey (britannique).

Gilbert Rullière

Matières premières

Comme 1987, l'année 1988 avait été marquée par un redressement net et continu des cours des matières premières, qui provenait d'une croissance industrielle soutenue, de la réduction des stocks et d'aléas climatiques. Il s'inscrivait ainsi à contre-courant d'une tendance orientée à la baisse depuis 1980. Ce mouvement était qualifié de structurel en raison de la marginalisation des produits bruts et du passage à une économie postindustrielle dominée par les services. Au rôle croissant joué par ce secteur s'ajoutait la mise en place de processus d'expansion industrielle qui reposaient sur l'utilisation de technologies avancées et qui permettaient d'économiser des produits bruts ; d'un autre côté, les nouveaux matériaux se substituaient aux produits bruts. (À ce sujet, une étude du FMI indique que la quantité de matières premières requise en moyenne pour une unité produite décroît de 1,25 % par an depuis 1900.)

En 1989, les cours auraient dû baisser légèrement. Or, en dépit d'évolutions divergentes ou contradictoires pour certains produits bruts, les cours des matières premières industrielles n'ont pratiquement pas varié. D'une part, la demande s'est maintenue à un niveau élevé, en raison d'une production industrielle mondiale en hausse. D'autre part, l'offre, bien qu'excédentaire, n'a pas pesé sur les cours.

Depuis 1982, les variations des stocks avaient permis de régulariser les cours mondiaux des matières premières. Plus récemment, devant la stabilité des cours, les producteurs ont tenté de développer leur capacité de production (remise en exploitation d'anciennes mines, prospection de nouveaux gisements). Ces initiatives n'ont pratiquement pas influencé les cours, car le boom de certains secteurs de pointe (aéronautique) a accru la demande de produits bruts.

Gilbert Rullière

Banque

Après une phase de désintermédiation (accès direct aux marchés de l'argent), le crédit bancaire aux entreprises a repris du fait du regain des investissements. D'abord à moyen et à long terme, avec le développement des interventions en fonds propres (directes, crédit-bail, accès aux marchés financiers, etc.), puis à court terme, avec la vive progression des découverts et des crédits globaux. Les taux d'intérêt s'alignent de plus en plus sur ceux du marché, entraînant une érosion des marges. Les crédits à la consommation se sont ralentis, ce qui n'a pas empêché les pouvoirs publics de s'inquiéter des difficultés de remboursement de certains emprunteurs (voir dossier La vie à crédit).