En revanche, à Prague et à Budapest, deux représentants de la vieille garde âgés de 76 ans, Gustav Husak et Janos Kadar, ont fini par céder la place. Intervenue en décembre 1987, la nomination de Milos Jakes, assez favorable aux réformes, à la tête du parti communiste tchécoslovaque n'a pas empêché de nombreuses arrestations d'opposants, qui manifestaient à l'occasion du 20e anniversaire de l'intervention soviétique dans le pays. Mais en Hongrie, l'élection, le 22 mai 1988, de Karoly Grosz, âgé de 57 ans, comme secrétaire général du PC, s'est accompagnée de l'entrée de plusieurs autres réformateurs au bureau politique. Cela a permis d'accélérer le rythme des réformes déjà entamées pour diminuer un endettement extérieur de 18 milliards de dollars. En octobre, une loi en vigueur à partir du 1er janvier 1989 autorise les personnes privées à créer de vraies sociétés anonymes et des SARL. Plus que la Tchécoslovaquie, la Bulgarie, la RDA, dont l'économie stagne, la Pologne (inflation de 50 % et dette extérieure de 40 milliards de dollars) et la Yougoslavie (inflation de 217 % et dette de 21 milliards de dollars) subissent une terrible crise.

Le cas de la Roumanie, où la population est privée des produits élémentaires, est dramatique. Comme le Comecon a aussi largement échoué, l'amélioration de la situation économique des pays de l'Est passe en partie par un rapprochement avec la Communauté européenne. C'est ce qu'a compris la nouvelle direction hongroise, qui a signé le 26 septembre à Bruxelles le plus important accord de coopération et de commerce entre la CEE et un pays de l'Est. En échange de l'ouverture du marché hongrois aux entreprises des Douze, l'exportation des produits hongrois dans la CEE sera totalement libre le 1er janvier 1996.

Laurent Leblond

URSS

« La perestroïka ne plaît pas à tout le monde, et ses adversaires ne se rendront pas sans combat. » Cette déclaration de Mikhaïl Gorbatchev, à Tachkent, le 8 avril, résume le bilan de l'URSS en 1988. Les faits décisifs sont l'évolution du pouvoir et des institutions, les décisions économiques, les nouveaux rapports de l'État et de l'Église, l'éclosion des groupes informels, et, surtout, les explosions nationales.

Trois événements ont permis à Mikhaïl Gorbatchev d'élargir l'assise du pouvoir : la conférence du parti, le plénum de septembre, la réforme constitutionnelle. À la XIXe conférence du parti (28 juin-2 juillet), M. Gorbatchev a proposé la création d'une présidence de l'État – confiée au chef du parti –, d'un parlement d'un type nouveau, élargi, qui élirait le président ; enfin, la séparation des organes de l'État, devenus plus responsables, de ceux du parti, séparation compensée par l'élection de chaque dirigeant du parti au poste étatique correspondant.

Au plénum du 30 septembre, M. Gorbatchev a évincé A. Gromyko de la présidence du Soviet suprême ; il l'a remplacé et a enlevé à I. Ligatchev la responsabilité de l'idéologie au bénéfice de l'agriculture et à A. Dobrynine la politique étrangère. Il a bénéficié du soutien du KGB, dont nombre de responsables ont été promus ; enfin, des amendements à la Constitution ont été adoptés en octobre-novembre. Dès le printemps 1989, l'URSS élira ses députés au nouveau parlement.

La réforme économique en est encore au stade des textes. Le Soviet suprême, réuni du 24 au 27 mai, a voté la loi sur les coopératives, qui définit leur rôle aux côtés des entreprises d'État ; mais ce texte ne peut pas fonctionner à cause des freins mis à l'autogestion des travailleurs.

Les lois sur l'agriculture devaient compenser ces difficultés. Le nouveau statut kolkhozien de janvier 1988 a introduit la démocratie dans le kolkhoze et a donné le droit de le quitter. En juin, M. Gorbatchev a proposé la location de terres aux paysans sur la base de baux de 50 ans, remettant en cause la collectivisation.

La crise de l'idéologie découle de la glasnost. Le Millénaire de la christianisation de la Russie a été un événement officiel soutenu par le pouvoir réconcilié avec l'Église, qui en a profité pour réclamer le droit à la catéchèse, à l'action caritative et l'indépendance des paroisses. Dans cette atmosphère « désidéologisée », les journaux indépendants, les organisations informelles et les publications d'œuvres interdites ont proliféré. Un pluralisme intellectuel – à défaut de pluralisme politique – existe déjà, et la critique du léninisme progresse rapidement.