L'explication est peut-être d'ordre anatomique. La muqueuse rectale étant très mince, beaucoup moins robuste que la muqueuse vaginale, les lymphocytes, très nombreux dans le sperme, la traversent beaucoup plus facilement. Si les lymphocytes sont infectés par un virus (le rétrovirus retrouvé dans le Sida est lymphotrope, c'est-à-dire qu'il se fixe électivement sur les lymphocytes et s'intègre à leur ADN), ils transportent ce virus en le protégeant en même temps des anticorps circulants et des lymphocytes T de l'hôte, jusqu'aux organes lymphoïdes du partenaire homosexuel, disséminant ainsi l'infection à tout l'organisme. C'est l'hypothèse du « cheval de Troie ».

Expérimentalement, on a essayé d'inoculer des lapines avec différents rétrovirus animaux. La contamination par voie vaginale est très difficilement obtenue ; en revanche, par voie rectale, elle donne généralement des résultats positifs.

L'habitude qu'ont certains homosexuels (surtout américains) d'employer des « poppers » c'est-à-dire d'inhaler des substances (nitrite d'amyle, de butyle ou d'isobutyle) auxquelles ils attribuent un effet aphrodisiaque, et qui possèdent un pouvoir potentiellement immunodépresseur, pourrait avoir un rôle de cofacteur dans le développement de la maladie.

Enfin, l'examen bactériologique de l'anus des homosexuels (en dehors de toute manifestation de Sida) montre une flore microbienne extraordinairement nombreuse et variée qui pourrait, elle aussi, jouer un rôle de cofacteur.

Le cas des femmes atteintes de Sida est beaucoup plus rare (aux États-Unis [7 %] et en France [12 %] du total des cas, quel que soit le mode de contamination). Il peut s'expliquer (en dehors du coït anal) par des microtraumatismes et excoriations répétés de la muqueuse vaginale (fréquents chez les prostituées) qui fragilisent cette muqueuse et la rendent perméable aux lymphocytes du sperme, au même titre que la muqueuse anale. La transmission par insémination artificielle est possible, et un test sérologique est devenu obligatoire pour les donneurs de sperme comme pour les donneurs de sang.

Le processus inverse, la contamination d'un homme par une femme malade est, en Occident, un fait exceptionnel et nouveau qui a été rapporté récemment. Plusieurs militaires américains atteints de Sida ont déclaré l'avoir contracté avec des prostituées. Cette affirmation, accueillie avec beaucoup de réserves, n'a pas été confirmée. S'il est facile d'identifier l'agent contaminateur de la syphilis (l'incubation est de 3 semaines environ), il n'en est pas de même pour le Sida, dont la durée minimale d'incubation est sans doute de 2 ans.

Transmission sanguine

La transmission du Sida par transfusion sanguine est rare. Aux États-Unis, elle est de 1,5 % de tous les cas du Sida. On y compte au total 101 cas reconnus, alors que 3 millions de personnes sont transfusées tous les ans. Les énormes besoins des États-Unis en produits sanguins expliquent que la collecte du sang soit faite souvent auprès des couches défavorisées ou marginales de la population américaine ou des pays voisins qui « vendent leur sang ». Le Sida consécutif à une transfusion a permis de confirmer à plusieurs reprises la durée d'incubation de la maladie.

Aucun cas de Sida post-transfusionnel n'a été signalé en France, où les donneurs de sang sont bénévoles, et il n'y a pas non plus de cas de contamination à la suite d'injection du vaccin contre l'hépatite B.

Le cas des hémophiles est quelque peu différent. Ils reçoivent régulièrement un traitement substitutif par des concentrés sanguins contenant des facteurs de coagulation du sang (facteurs VIII ou IX) provenant de pools de plasmas de très nombreux donneurs. Les risques de contamination sont donc proportionnellement plus grands. Aux États-Unis, on compte 21 cas de Sida chez les hémophiles ; 8 cas ont été signalés en Europe, dont 1 en France.

Le traitement thermique de produits sanguins, comme les facteurs VIII et IX, a été approuvé par la Food and Drug Administration et pourrait réduire leur concentration en agents infectieux et les risques de contamination. En France, depuis l'arrêté du 23 juillet 1985, la recherche des anticorps dirigés contre le virus LAV/HTVL3 est devenue obligatoire pour tout don de sang. Les tests de dépistage utilisent la méthode immunoenzymatique ELISA (de l'anglais Enzyme-Linked Immuno-Sorbent Assay) à partir du matériel viral issu de la souche Pasteur ou de la souche américaine H 9 de Gallo. Ces tests sont de conception et de réalisation différentes et utilisent des réactifs différents (Diagnostic Pasteur [test ELAVIA], Organon, Litton, Electronucleonics, Abbott, Virgo, etc.). Une rivalité commerciale explique que l'administration américaine n'autorise pas l'exploitation des tests français aux États-Unis (l'inverse n'est pas vrai). Les résultats litigieux avec la méthode ELISA sont vérifiés par d'autres techniques (WB ou RIPA). Les malades cliniquement atteints du Sida ont un test positif dans pratiquement 100 % des cas (paradoxalement, certains cas graves sont négatifs).