Lorsqu'il reçoit, le 14 janvier, les membres du corps diplomatique pour la traditionnelle cérémonie des vœux, Jean-Paul II se félicite de constater que 108 pays (contre 46 en 1950) ont établi des relations diplomatiques avec le Saint-Siège. Certes, cela est dû en partie à la décolonisation. Mais pas seulement : trois jours plus tôt a été annoncé officiellement l'établissement de relations régulières avec les États-Unis d'Amérique, interrompues depuis 1863.

L'action diplomatique

Le pape agit dans plusieurs directions : prévention de conflits, lutte pour la paix, fermeté de plus en plus affirmée à l'égard de l'Est. Ainsi, la médiation pontificale dans le litige opposant le Chili et l'Argentine à propos du canal de Beagle se traduit, le 23 janvier, lors d'une cérémonie réunissant au Vatican les ministres des Affaires étrangères des deux pays, par un succès total. Par ailleurs, le Vatican multiplie les déclarations soulignant les terribles conséquences qu'entraînerait une guerre nucléaire. L'un des documents les plus remarqués est le communiqué d'un groupe international de savants (américains et soviétiques notamment) réunis par l'Académie pontificale des sciences en janvier pour étudier les effets, sur le climat, de l'utilisation des armes atomiques. Des pays comme l'Inde, le Brésil, le Nigeria et l'Indonésie pourraient, expliquent-ils, en raison de la diffusion de fines particules absorbant et dispersant la lumière solaire « être frappés par un désastre sans précèdent sans qu'une seule bombe éclate sur leur territoire ». Et cela, même en cas de guerre nucléaire limitée.

Fermeté face à l'Est

L'Ostpolitik du Vatican, certes, n'a pas vécu. Mais bien des espérances ont été déçues. Rome en tire les conséquences. À la Conférence de Stockholm (janvier) sur l'application des accords d'Helsinki, le représentant du Saint-Siège, Mgr Silvestrini, met directement en accusation les systèmes socio-politiques et idéologiques qui « présentent une vision globale exclusive et presque manichéenne de l'humanité ».

Un peu plus tard, le 4 mars, célébrant le cinquième centenaire de la mort de saint Casimir, patron de la Lituanie, annexée par l'URSS, le pape, s'adressant aux habitants de ce pays, n'hésite pas à citer cet extrait des Béatitudes : « Heureux êtes-vous si l'on vous insulte, si l'on vous persécute et si l'on vous calomnie de toutes manières à cause de moi. » On apprendra au cours de l'été que Moscou a mis son veto à un projet de voyage pontifical dans cette région et refusé aussi un visa au secrétaire d'État, Mgr Casaroli.

Recevant le nouvel ambassadeur de Finlande, M. Kaarlo Juhana Yyö-Koshinen, Jean-Paul II n'hésite pas le 9 février à dénoncer, sans la nommer, les dangers de la finlandisation : il ne faut pas, explique-t-il, renoncer aux « exigences qui font l'honneur et le bonheur d'un peuple souverain ».

Et, dans un message au peuple du Viêt-nam, le 10 mai, à l'occasion de son voyage en Asie, le pape dit : « Je prie pour que vous ayez toujours les possibilités concrètes de professer et de vivre votre foi. » La situation de l'Église dans ce pays suscite en effet bien des inquiétudes : des freins de toute sorte sont mis à ses activités.

Théologie de la libération

En toute occasion — publiquement comme on vient de le voir, mais plus discrètement aussi —, le Vatican réitère donc avertissements et mises en garde. Cette action s'accompagne d'un renforcement de la discipline à l'intérieur. Jean-Paul II s'efforce — par des injonctions, et aussi par le choix des hommes placés à des postes clés — de limiter les interventions des chrétiens en tant que tels (des prêtres et des religieux surtout) dans le champ politique.

Il se montre particulièrement sensible à toute contagion marxiste. Cette orientation va se manifester surtout à propos de ce que l'on appelle la théologie de la libération, élaborée en Amérique latine, qui prône l'option pour les pauvres, demande des réformes politiques et sociales et s'inspire parfois des analyses marxistes. Commentant à Rome la réunion des Commissions doctrinales de l'Amérique latine (tenue le mois précédent à Bogota), le cardinal Ratzinger, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi (ex-Saint-Office), explique, le 13 avril, que la théologie de la libération a « différentes expressions : quelques-unes pleinement légitimes et même nécessaires ; d'autres, critiquables ; d'autres enfin, inacceptables ». Et il met en garde contre la contamination de la foi « par des éléments étrangers ».

L'imbroglio nicaraguayen

Sur le même thème, et tandis que le théologien brésilien Leonardo Boff est reçu au Vatican pour s'expliquer sur ses positions, le cardinal Ratzinger publie le 3 septembre des « orientations » destinées au clergé, qui soulignent que « la source de l'injustice se trouve dans le cœur des hommes », et réprouve le recours à la notion de lutte des classes. Le cardinal ajoute que sa mise en garde « ne peut être interprétée comme un appui, même indirect, à ceux qui contribuent au maintien de la misère des peuples ».