Journal de l'année Édition 1981 1981Éd. 1981

Les protestations, vigoureuses, et les démarches ne cessent pas pour autant. En raison de la publication tardive des habilitations, certains étudiants ont du mal à retrouver une place à la rentrée. Des grèves de protestation auront lieu à la fin de l'année à Perpignan, Strasbourg, Grenoble, Toulouse, Dijon et Besançon, et certaines se prolongeront jusqu'à la mi-janvier 1981, sans succès.

À la fin de l'année universitaire 1980-81, il est encore impossible de mesurer l'ampleur des transformations de la carte universitaire : aucun bilan officiel n'a été fait ; les établissements ne font pas connaître avec précision les demandes nouvelles et les simples renouvellements. Jusqu'à la fin de février, des habilitations sont encore accordées ici ou là, au gré des interventions.

Mais il est clair que toutes les disciplines ne sont pas traitées de la même façon, ni toutes les universités.
– Sciences : les demandes refusées sont peu nombreuses (environ 10 % du total). Sur 25 licences et maîtrises de mathématiques, par exemple, deux seulement, jugées « peu sérieuses », sont rejetées ; en physique, 2 sur 15 subissent le même sort. Alice Saunier-Seïté est un peu plus sévère avec les maîtrises conçues pour la préparation à l'enseignement secondaire. Celui-ci n'offre plus beaucoup de débouchés : 1 000 postes par an aux CAPES et aux agrégations scientifiques.
Les doctorats d'ingénieurs qui avaient été supprimés par Alice Saunier-Seïté sont rétablis par R. Barre.
– Droit et sciences économiques : les pertes sont plus importantes (20 % environ), mais elles touchent surtout les troisièmes cycles. Malgré des effectifs très faibles, certaines universités ont gonflé les demandes, en multipliant les options ou en présentant des formations hétéroclites. Les grands établissements, comme Paris-I, Paris-X (Nanterre) ou Lyon-II, voient leurs demandes satisfaites.
– Lettres et sciences humaines : des coupes claires sont pratiquées.

On ne refuse qu'exceptionnellement les diplômes traditionnels (lettres modernes et classiques, histoire, géographie). Mais les sciences humaines sont sévèrement ébranchées, surtout en troisième cycle : 15 refus pour 30 demandes en sociologie ; 12 pour 17 en ethnologie, 11 sur 30 en psychologie, une vingtaine sur 36 en philosophie. Dans certains domaines nouveaux ou pluridisciplinaires, comme la linguistique, la littérature comparée ou les sciences de l'éducation, une poignée seulement de formations sont maintenues.

Sévérité

On avait voulu accélérer, depuis 1976, le développement des filières préparant plus directement à des débouchés professionnels : maîtrises de sciences et techniques, maîtrises finalisées, diplômes d'études supérieures spécialisées (DESS). Cette politique paraît abandonnée. On supprime nombre de DESS en sciences humaines ; en gestion on maintient les diplômes bien rodés, mais on refuse la majorité des demandes nouvelles ; on se montre plus sévère pour les diplômes de langues étrangères appliquées que pour les licences ou maîtrises traditionnelles d'anglais ou d'espagnol. Même en sciences, certaines formations bénéficiant de l'appui de professionnels et de chefs d'entreprise sont repoussées.

Certaines décisions s'expliquent par des erreurs de présentation ou des luttes d'influence. Des experts ont obéi parfois à des réflexes de chapelle. Certains établissements, ou leurs responsables, sont mal en cour ; c'est le cas d'Amiens ou de Limoges. L'École des hautes études en sciences sociales, mal vue d'Alice Saunier-Seïté, malgré la présence de professeurs prestigieux comme l'anthropologue Claude Lévi-Strauss ou l'historien Emmanuel Le Roy Ladurie, est repêchée in extremis par Raymond Barre.

Concentration

La réforme paraît inspirée par le souci de concentrer les formations. Les grands centres sont épargnés, comme Bordeaux, Grenoble, Lille, Lyon, Nancy, Rennes, Strasbourg, ou Toulouse, Paris-I, Paris-II, Paris-VI, Paris-VII, Paris X (Nanterre), Paris-XI (Orsay) et même Paris-VIII (ex-Vincennes), malgré son aura non conformiste. En revanche, de jeunes universités ou de petits centres se voient rogner les ailes. Brest n'a plus de licences ni de maîtrises de langues étrangères ; les lettres à Angers, les langues, la philosophie, la psychologie, la sociologie et 12 troisièmes cycles sur 15 à Amiens sont supprimés. Cinq deuxièmes cycles disparaissent à Reims, six à Caen et sept à Poitiers.