On apprendra fin décembre que la hausse des prix en 1977 atteint un record absolu : 42 % (dont 12 % pendant le seul mois de novembre) ; depuis 4 ans, depuis la guerre du Kippour (Journal de l'année 1973-74), 306 % ! Et l'on ne peut pas cacher que, d'ici au 1er avril 1978, les prix de l'essence et des produits indispensables auront augmenté de 25 à 40 %. Même si la croissance du PNB n'est que de 1 % en 1978, on peut craindre un taux d'inflation de 30 à 40 %.

C'est pourquoi le gouvernement décide de soutenir son remède de cheval par une véritable révolution économique et sociale. C'est la fin du socialisme étatique maintenu depuis l'origine par les pères fondateurs, eux-mêmes socialistes venus d'Europe de l'Est : suppression totale des subventions aux exportations, réduction progressive des subventions aux produits de première nécessité, vente au secteur privé de plusieurs entreprises publiques, pour commencer.

Dévaluation

Dès la fin octobre, deux bombes sont lancées : suppression du contrôle des changes et libération du cours de la livre israélienne, qui devient flottante. Avec, pour prendre le départ le 31 octobre, une nouvelle dévaluation de 30 %, le dollar étant coté à 15 livres.

Le ministre des Finances espère qu'ainsi Israël deviendra un centre bancaire, la Suisse du Proche-Orient. Autre surprise, le budget présenté en janvier 1978 : pour la première fois, il dépasse le PNB (de 30 %), il est en déficit (de 6 millions de livres) et il rétrograde à la deuxième place le sacro-saint budget de la défense pour faire passer à la première le remboursement de la dette (60 milliards de livres, chiffre record).

D'abord éberlués par cette révolution, les citoyens expriment leur accord à l'austérité d'après un sondage publié début novembre par Davar, organe de l'Histadrouth, l'unique et géante centrale syndicale : 50 % approuvent pleinement, 12 % partiellement... 20 % ne sont pas d'accord.

Mais dans le même temps se déclenchent fièvre d'achats et vague de revendications : des grévistes par dizaines de milliers, 30 000 manifestants à Tel-Aviv. « L'Histadrouth mène une campagne d'agitation bolchevique » affirme Menahem Begin, faisant allusion aux anciens dogmes importés de Russie aux temps héroïques.

En fait, elle tente surtout de maîtriser une base de militants qui lui échappe et elle jouera plutôt le rôle d'intermédiaire entre le gouvernement et les meneurs des grèves qui s'étendent jusqu'au printemps 1978, de la marine marchande à la fonction publique en passant par les journalistes et la compagnie d'aviation El Al, dont le gouvernement suspend brusquement les activités : « il y faut un grand coup de balai », affirme Simha Erlich. Il accorde quand même à l'Histadrouth (qui redore ainsi son blason) un blocage pendant six mois des hausses de prix des denrées indispensables. En outre, le ministre des Finances débloque quelques salaires, mais sans accorder les 10 ou 15 % d'augmentation réclamés par l'Histadrouth, et encore moins les 50 ou 150 % réclamés par certains grévistes !

Ainsi, pour l'instant, le gouvernement gagne cette bataille prix-salaires qu'il ne pouvait esquiver.

Jeu serré

Cette victoire étant peut-être l'une des retombées de la dynamique favorable créée, dès juillet 1977, par l'entrevue Carter-Begin, à Washington, dont Menahem Begin revient avec 250 millions de dollars d'équipements militaires et une image nouvelle d'homme d'État, habile négociateur bien que son plan de paix n'ait convaincu personne, pas même lui qui le présente ainsi : « Un projet-cadre pour le processus de paix plutôt qu'une proposition spécifique. »

« Propositions mort-nées » répond de Moscou l'agence Tass. Menahem Begin a tout de même engagé, sur le tapis diplomatique, un jeu relancé par la visite de Sadate à Jérusalem et permis pendant des mois de laisser annoncer pour bientôt une reprise de la conférence de Genève qui n'arrive jamais.

Autre navigation serrée imposée à Menahem Begin : entre les sionistes religieux qui continuent à implanter de nouvelles colonies israéliennes dans les territoires occupés et l'opinion internationale qui s'indigne (États-Unis, Europe, ONU), entre les terroristes, dont les attentats sont de plus en plus nombreux et meurtriers, et les protestations internationales contre le sort fait aux prisonniers (une démarche du pape fait libérer Mgr Capucci emprisonné depuis 3 ans, mais condamné à 12 ans pour aide aux terroristes), entre les libéraux ou les laïcs israéliens et les militants des partis religieux dont la maigre majorité gouvernementale a besoin.

Négociations

Certains membres des partis religieux ont provoqué un accident mortel en bloquant la circulation pendant le sabbat, d'autres ont obtenu le vote d'une loi que tout esprit non sectaire considère comme scélérate : elle punit de 3 ans de prison tout Juif qui accepte, pour se convertir à une autre religion, des stimulants matériels et de 5 ans celui qui les offre. Tombent sous le coup de la loi, par exemple, les collectivités religieuses qui accueillent des écoliers, les crèches, les dispensaires qui offrent des habits usagés, etc.