Cela anime une Bourse de plus en plus convaincue de la réalité de la reprise économique, même si elle craint une relance de l'inflation entraînant à son tour un renforcement de l'encadrement du crédit. D'où les réserves du marché, qui se refuse à franchir les niveaux atteints en avril 1975 malgré certains éléments positifs, dont le moindre n'est pas l'annonce d'une prochaine prise de position en matière de réévaluation des bilans afin de tirer les conséquences comptables de la dépréciation de la monnaie observée depuis quinze ans.

L'argent est pourtant là, prêt à s'investir comme le montre le succès de l'introduction boursière d'Essilor, le no 1 de la lunetterie, mais aussi celui de Locabail immobilier, SICOMI (qui bénéficie du parrainage de la Compagnie bancaire). La réussite est moins probante pour Martell, dont la primauté en matière de cognac ne compense pas un cours d'introduction jugé un peu élevé.

Reprise

Cette année 1975 qui s'achève aura été la plus difficile que l'économie française ait connue depuis longtemps. Les chiffres du chômage sont là pour le rappeler, et les résultats de certaines grandes sociétés le confirmeront bientôt, même si beaucoup ont réussi à remarquablement tirer leur épingle du jeu. Elle aura été pour la Bourse l'année de la reprise après l'effondrement de 1974. Les cours ont regagné 30 %, le volume d'affaires a approché le record de 1973 : 273 millions de titres se sont échangés pour un total de 58 milliards de F. Le montant des émissions de valeurs mobilières, supérieur de plus de moitié à celui de 1974, s'est élevé à 52 milliards de F.

Ce développement n'a toutefois bénéficié qu'aux emprunts obligataires et les émissions d'actions sont encore en recul, mais la capitalisation boursière des actions et parts françaises négociées en Bourse à Paris dépasse à nouveau le seuil psychologique de 150 milliards de F, sans approcher pour autant le record de 190 milliards de F d'avril 1973.

1976 débute sur un ton soutenu malgré une première attaque contre le franc, qui relance l'intérêt de la Bourse pour l'emprunt 7 % 1973 indexé sur l'unité de compte européenne. Le pétrole revient aussi au premier plan de l'actualité. Il ne s'agit plus de prix mais de recherches, non plus en mer du Nord mais en mer d'Iroise, où un second forage révèle des indices. Plus que les Pétroles d'Aquitaine ou la Française des pétroles, ce sont les Pétroles BP qui ont la faveur du marché en raison du plus grand impact qu'aurait sur leur titre une éventuelle découverte. D'une cinquantaine de francs, le titre progresse rapidement au-delà de 80 F. Ce second forage sera malheureusement négatif.

Grandes manœuvres

Spéculation aussi, mais plus intellectuelle cette fois, sur les futurs choix gouvernementaux en matière de téléphone, choix qui, pour la commutation spatiale, donneront quelques mois plus tard la préférence à Thomson, un groupe Thomson renforcé par le rachat à ITT de sa filiale le Matériel téléphonique ainsi que par la prise de contrôle de la Française Ericsson. Ces grandes manœuvres ne sont pas les seules d'une année fertile.

Sous l'égide de Paribas s'est déjà constitué dans le Nord un nouveau groupe sidérurgique autour de La Chiers, avec Chatillon-Commentry-Biache et Neuves-Maisons-Chatillon. La fusion d'Alsthom et des Chantiers de l'Atlantique vise à former un ensemble industriel spécialisé dans les matériels d'équipement terrestres et navals qui puisse rivaliser avec les grandes sociétés étrangères constituées sur le même modèle. La restructuration de l'industrie française de l'informatique voit les Machines Bull devenir majoritaires dans la filiale Honeywell Bull renforcée de la plus grande partie de la CII. Le groupe Peugeot, enfin, rachète la totalité de la participation de Michelin dans Citroën avant de procéder à la fusion pure et simple des holdings Peugeot SA et Citroën SA. L'offre de rachat qui a été faite par La Radiotechnique aux actionnaires de Schneider Radio-TV ne revêt en comparaison qu'une importance relativement limitée.