Pour sceller la réconciliation entre les deux groupes ethnico-religieux du Soudan – les Arabes musulmans du Nord et les négroïdes chrétiens ou animistes du Sud –, le général Nemeiry mène une politique conséquente dans le domaine des relations internationales. Il continue de prendre ses distances avec les États arabes les plus militants et accentue son rapprochement avec l'Afrique noire.

Fin juin 1972, il signe avec l'Ouganda du général Amin un traité de défense commune ; le 3 juillet, à l'issue d'une visite en Tanzanie, il conclut des accords portant sur l'abolition des visas et l'intensification du commerce entre les deux pays ; le 8 juillet, le chef de l'État se rend en Somalie pour améliorer ses rapports avec le régime de Mogadiscio ; le 30 juillet, il parvient à régler avec l'Éthiopie tous les problèmes frontaliers en suspens depuis soixante-dix ans.

Le général Nemeiry multiplie les déclarations pour confirmer sa volonté de ne pas adhérer à l'Union des républiques arabes qui, soutient-il, ne correspond pas aux intérêts nationaux du Soudan. Le 20 septembre, une grave crise éclate entre Khartoum et Tripoli. La Libye ayant décidé de porter secours à l'Ouganda, en conflit avec la Tanzanie, dépêche 400 militaires à bord de cinq avions qui survolent le Soudan. Les autorités soudanaises les contraignent à atterrir et, après avoir confisqué les armes qui s'y trouvaient, obligent les appareils à rebrousser chemin.

Le colonel Kadhafi offusque le général Nemeiry en exprimant l'opinion que des agents impérialistes sont intégrés dans le régime soudanais. La polémique entre les deux pays reprend en mars, après l'attentat contre l'ambassade de l'Arabie Saoudite et l'exécution par les fedayin de trois diplomates dont deux Américains.

Nemeiry met en cause la Libye et déclare que l'un des objectifs de l'opération était d'empêcher un rapprochement entre le Soudan et les États-Unis.

Tension

La tension se développe également entre Le Caire et Khartoum. Persuadé que les services égyptiens intriguent pour miner sa position intérieure en entretenant des liens avec des groupements subversifs, le général Nemeiry met un terme, en septembre 1972, aux activités dans son pays de deux grandes firmes égyptiennes, expulse le recteur de la branche (à Khartoum) de l'université du Caire, rapatrie une partie du corps expéditionnaire soudanais qui campe sur les rives du canal de Suez. Le Caire riposte en demandant le retrait d'Égypte de toutes les unités soudanaises et rappelle quelque 300 fonctionnaires et professeurs qui travaillaient au Soudan.

Fin octobre, le président Sadate ferme l'académie militaire à Jabal Awlia, avant de faire don des bâtiments et des installations au gouvernement de Khartoum. Dans une interview publiée le 24 octobre par le quotidien libanais Al Nahar, le général Nemeiry critique pour la première fois, nommément, le président Sadate. Fin mai 1973, cependant, les relations entre les deux pays paraissaient moins tendues : le chef de l'État soudanais invite l'Égypte à rouvrir l'académie militaire de Jabal Awlia.

Le président Sadate demeure cependant réservé. À en juger par les commentaires de la presse cairote, il reproche au général Nemeiry d'avoir porté atteinte à la solidarité arabe en rétablissant, dès juillet, les relations diplomatiques avec les États-Unis, rompues au lendemain de la guerre de Six Jours. Le chef de l'État soudanais paraît prendre le contre-pied de la politique égyptienne à l'égard des deux super-grands. Peu après l'expulsion des conseillers militaires soviétiques, il entame le processus de normalisation avec l'URSS.

Les pourparlers discrets qui se poursuivent entre Khartoum et Moscou aboutissent à un accord en octobre 1972, aux termes duquel les deux pays échangeraient des ambassadeurs. Dès le mois suivant, des experts soviétiques affluent à Khartoum.

Rapprochement

Le Soudan tire un bien plus grand profit de son rapprochement avec les puissances occidentales. La contribution américaine à la réhabilitation des réfugiés du Sud s'élève à plus de 30 millions de dollars. En août, le général Nemeiry révèle qu'une société anglo-américaine envisageait d'investir 600 millions de dollars dans des projets de développement. Un consortium de cinq pays – Pakistan, Libye, Koweït, Arabie Saoudite et Liban – est constitué avec le même objectif.