Moins d'une dizaine de jours après, tout s'arrange à la convenance des Malgaches, huit accords de coopération étant signés à Paris ; l'élaboration des textes concernant les relations économiques, monétaires et financières est seule reportée à une date ultérieure.
Diégo-Suarez
Dans le domaine militaire, il est convenu que le 1er septembre 1973 les responsabilités de défense commune seront entièrement prises en charge par Madagascar. Les troupes françaises terrestres seront progressivement retirées avant cette date.
Le statu quo de la base navale de Diégo-Suarez est maintenu pour la période transitoire de deux ans. Ce délai doit être utilisé pour accélérer la formation des cadres malgaches destinés à prendre le relais de leurs collègues français. Il est prévu un droit d'escale maritime aérienne, notamment en matière de ravitaillement et de réparations pour les navires et les avions français sans aucune limitation, ces facilités étant renouvelables par tacite reconduction. L'arsenal de Diégo-Suarez est maintenu en tant qu'entreprise mixte franco-malgache, tandis que les 400 marins qui y stationnent sont autorisés à y rester jusqu'en 1975.
En revanche, les unités de la légion étrangère quittent la région de Diégo-Suarez ; la base aérienne d'Ivato, située dans la banlieue de Tananarive, est restituée aux Malgaches, les appareils français n'y bénéficiant plus que d'un droit d'escale simplifié.
Un accord domanial prévoit que tous les bâtiments du domaine public qui avaient été donnés à la France au moment de « la restauration de l'indépendance » en 1960 seront remis à la disposition de l'État malgache.
Le général de division Marcel Bigeard, commandant supérieur des forces françaises du sud de l'océan Indien depuis 1971, est nommé adjoint au gouverneur de Paris le 20 juin 1973 ; son quartier général est transféré de Tananarive à Saint-Denis de la Réunion. Ce départ marque le couronnement de l'offensive diplomatique menée par le général Gabriel Ramanantsoa et son équipe dès le lendemain du mai malgache de 1972, et c'est dans une atmosphère euphorique que la population de Madagascar célèbre, à travers toute l'île, le 26 juin, jour de la Fête nationale.
En réalité, le général Gabriel Ramanantsoa, qui a obtenu les pleins pouvoirs pour cinq ans à l'issue du référendum du 8 octobre 1972, au cours duquel il a recueilli plus de 80 % des suffrages exprimés, doit faire face à un certain nombre de difficultés d'ordre interne : querelles tribales qui sont à l'origine de graves désordres, opposition gauchiste menée notamment par Rakotonirina Manandafy, réticence des milieux modérés sur lesquels André Résampa continue d'exercer une certaine influence, dégradation de la situation économique.
Tribalisme
Entre les Mérinas, habitants des hauts plateaux du centre de l'île, et les tribus côtières, les tensions restent extrêmement vives. Les secondes reprochent aux premiers de contrôler le gouvernement et les hauts postes administratifs, et de chercher à assurer seuls la gestion du pays. En décembre, Tamatave, principal port malgache, est le cadre de violentes émeutes. La population, en majorité d'origine betsimisaraka, malmène les Mérinas, incendie leurs magasins, lapide leurs voitures, détruit leurs habitations. On déplore une cinquantaine de blessés et un important exode des éléments mérinas de la population de Tamatave vers la capitale.
L'opposition des lycéens au programme de malgachisation de l'enseignement est à l'origine des troubles. Après la proclamation de l'état de siège, les dirigeants de Tananarive devront faire marche arrière sur ce point.
L'opposition des lycéens de Tamatave à l'extension de la langue nationale – qui est en fait la langue mérina – n'explique pas à elle seule la flambée de violence qui a embrasé pendant plusieurs jours le grand port de la côte orientale de Madagascar. En fait ces émeutes constituent une nouvelle et violente manifestation du conflit permanent qui oppose les populations rurales de la côte à la bourgeoisie mérina des hauts plateaux.