La tâche de Michel Debré n'était pas facile, puisqu'il lui a fallu — en cent dix articles nouveaux — abroger, modifier ou rajeunir cinquante-trois textes législatifs, totalisant plus de quatre cents articles différents, dont certains remontaient, pour les officiers, à la monarchie de Juillet (lois de 1832 et 1834) et à 1928 pour les sous-officiers de carrière.

À l'exception de quelques aménagements de détail correspondant à une légalisation de faits acquis, il demeure, aux termes de cette nouvelle loi adoptée par l'Assemblée nationale le 3 mai 1972, que la discipline fait la force principale des armées. Les nouvelles dispositions reprennent le principe de la neutralité politique de l'armée et le fait que les forces armées sont en tout temps et en tout lieu à la disposition totale de la nation. Comme par le passé, il est interdit à un militaire en service d'avoir des activités politiques, d'adhérer à un parti, de disposer du droit de grève et d'appartenir à un groupement de caractère syndical.

Un militaire pourra toutefois être candidat à une élection locale ou nationale. Dans ce cas, il est déchargé de toute responsabilité au sein de la hiérarchie et, s'il est élu, il est placé en service détaché. De même, un appelé du contingent, membre d'une association quelconque avant son incorporation, peut le rester le temps de son service. Enfin, les militaires de carrière qui souhaitent se marier ne seront plus obligés de demander une autorisation, sauf s'ils sont gendarmes, légionnaires ou si leur conjoint est étranger.

Enfin, la réglementation de 1933 sur le droit d'association et d'expression des militaires, si elle est abolie, est peu modifiée par le nouveau statut qui s'applique à quiconque porte l'uniforme, le cadre de carrière comme l'appelé du contingent ou les personnels féminins. L'article 9 du texte approuvé par le Parlement maintient certaines des limitations précédentes. Un militaire en activité doit obtenir l'autorisation de son ministre s'il veut disserter de politique et de défense. Il devra aussi rendre compte des fonctions qu'il exerce, le cas échéant, dans l'association dont il est membre.

Cet ensemble de mesures n'est pas la grande réforme de fond que beaucoup d'officiers et de sous-officiers espéraient. De ce statut, un professeur de droit public à l'université de Paris-II, Jacques Robert, a pu écrire que la montagne avait accouché d'une souris. De nombreuses associations d'anciens militaires en ont d'ailleurs dénoncé le manque d'audace et le caractère retardataire.

Le camp du Larzac

La décision de l'armée de terre de porter de 3 000 à 17 000 ha la superficie du camp militaire du Larzac (Aveyron) a suscité de vigoureuses protestations tant parmi les agriculteurs menacés d'expropriation que de la part des associations de défense de l'environnement. C'est un fait que les armées, qui occupent actuellement une superficie totale de 260 000 ha, soit l'équivalent du département des Yvelines, sont de loin le plus important des propriétaires fonciers de France.

Protestations contre les essais nucléaires

À la fin du mois d'août 1971, la France décidait d'annuler ses essais nucléaires prévus pour septembre dans le Pacifique. L'exécution d'une expérience de forte puissance, au moins, était suspendue et, à l'issue du conseil des ministres du 1er septembre 1971, Léo Hamon, porte-parole du gouvernement, précisait : « Les expériences ont, sans exception, pleinement répondu aux espérances des techniciens. »

Les deux premiers essais, en date du 5 et 12 juin 1971, avaient permis de mettre définitivement au point la configuration de deux bombes différentes. Il s'agit d'abord de la bombe atomique tactique de 15 kilotonnes environ, destinée, en 1974, au missile sol-sol à courte portée Pluton de l'armée de terre et, en 1973, aux avions Jaguar de l'armée de l'air. C'est ensuite, dans sa première version, la bombe dopée de 450 kilotonnes, qui mélange des éléments de fusion et de fission, pour les sous-marins stratégiques.

Le 14 août 1971, une expérience thermonucléaire a eu lieu sur l'atoll de Mururoa (Polynésie française), expérience qui avait été précédée de l'essai, les 4 juillet et 8 août 1971, de deux charges atomiques de faible puissance pour la mise au point du détonateur de la bombe H. L'énergie dégagée a été estimée à une mégatonne.