Au total dix personnes sont poursuivies pour leur rôle au sein de la Garantie foncière. Parallèlement, le 9 juillet 1971, un administrateur provisoire, Pierre Bevière, est nommé à la tête de la Cofragim et propose un plan de redressement et d'apurement des comptes de la Garantie foncière, lequel est approuvé le 15 mai 1972 par le tribunal de commerce.

Cette décision ne règle pas encore la situation des nombreux porteurs de parts ; l'évaluation du bilan n'est pas achevée et il faut l'attendre pour connaître le montant des dividendes qui seront servis aux souscripteurs. À plusieurs reprises des mises au point ont été faites par l'administrateur provisoire, pour souligner que les associés ne seraient pas dépossédés car l'actif de la société, s'il a été surévalué, n'en est pas moins considérable. Malgré cela, les souscripteurs se constituent en association de défense, qui se porte partie civile. Leur rôle est important, notamment pour faire préciser les droits des souscripteurs et leur responsabilité face aux dettes éventuelles de la société.

Le patrimoine foncier

Créée en 1968, cette société a recueilli environ 140 millions de francs, déposés par 8 200 souscripteurs. Elle propose aux porteurs de parts un rendement de 10,40 %. La gérance est assurée par la Cogim.

L'affaire éclate quelques jours après celle de la Garantie foncière et s'enchaîne pratiquement de la même façon : le 12 janvier 1971, ouverture d'une information judiciaire pour publicité mensongère, à l'issue de laquelle le procureur de la République saisit le juge chargé d'instruire l'affaire de réquisitions pour abus de confiance, escroquerie et recel, visant André Roulland et Claude Lipsky, dirigeants du Patrimoine foncier et de la Cogim, et Georges Walter Huc, président-directeur général de la société Kauffman, qui travaille en étroite liaison avec le Patrimoine foncier.

L'enquête confirme que le patrimoine de la société, constitué en majorité d'immeubles sans grande valeur, paraît inapte à fournir un revenu aussi élevé que celui qui est promis par la publicité de la société. Le 28 septembre, des mandats d'amener sont lancés contre Cl. Lipsky, A. Roulland et G. W. Huc. Seul A. Roulland est à son domicile. Il est inculpé d'escroquerie et d'abus de confiance et laissé en liberté. En revanche, on apprend que Cl. Lipsky s'est réfugié en Israël. Après de multiples négociations, il est arrêté par la police israélienne et regagne la France en avril 1972.

Enfin, une autre affaire défraie la chronique : il s'agit de la Civile foncière. Une plainte est déposée auprès de la COB par les actionnaires, à qui on demande de racheter — trop cher à leur goût — la société de gérance. Cinq inculpations sont prononcées, notamment celle de Raymond Roi, directeur général, qui est laissé en liberté provisoire.

Ces trois affaires comportent un arrière-plan politique qui n'a pas manqué d'être souligné diversement par les milieux parlementaires et journalistiques : Rives-Henrys est député (il a démissionné depuis de l'UDR et de son mandat parlementaire) ; A. Roulland est un ancien membre du cabinet de G. Pompidou ; R. Roi est connu pour ses attaches avec les milieux de la majorité.

Quoi qu'il en soit, fin juin 1972, ces affaires n'ont pas encore connu leurs conclusions judiciaires. Elles ont suscité néanmoins une grande méfiance du public envers le secteur immobilier, méfiance que n'ont guère atténuée les mises au point des autres sociétés civiles immobilières.

La fraude fiscale

Comment échapper, tout ou partie, à l'impôt ? Pour la majorité des contribuables — les salariés — la question ne se pose pas, même si l'envie les en prenait : leurs revenus sont déclarés automatiquement par leurs employeurs. Il n'en va pas de même pour les membres de certaines professions libérales ou pour les importants hommes d'affaires. Dans le XVIe arrondissement, qui passe pour l'un des quartiers les plus huppés de Paris, les candidats à la fraude avaient, depuis plusieurs années, et sans qu'on s'en avisât, trouvé le complice idéal : un inspecteur central des impôts, Édouard Dega, chargé de recevoir et vérifier les déclarations dans le quartier de Chaillot. L'inspecteur central, pour les aider à se soustraire aux exigences du ministère des Finances, les adressait à un conseiller fiscal qui, semble-t-il, n'était autre que son frère et avec lequel il partageait les bénéfices.